En tant que travailleuse sociale, je peux dire que je me retrouve au cœur du réseau de la santé et directement concernée par les changements dans les politiques sociales. À chaque jour, je suis confrontée aux limites du système, à la pauvreté des organismes communautaires qui sont complémentaires au réseau et avec lesquels nous travaillons afin d’offrir un réconfort aux gens qui viennent nous rencontrer.
Déjà que les organismes communautaires et que le réseau public tentaient de répondre à une demande de plus en plus croissante et à des problématiques de plus en plus lourdes qu’il faudra se resserrer la ceinture encore. Je vois des organismes resserrer leurs critères, diminuer l’aide bien souvent essentielle qu’ils offrent, en raison d’un manque de financement. Je vois la détresse des gens augmenter lorsque je dois mentionner un délai d’attente avant qu’ils puissent avoir des services dont ils auraient besoin rapidement. Je vois la pauvreté, oui, la grosse pauvreté sale… Des parents qui se privent de manger pour nourrir leurs enfants, de la violence, l’itinérance, etc. Détrompez-vous, il n’y a pas que «les gens qui courent après les problèmes» qui en ont, il n’y a pas que les gens qui sont sur l’aide sociale qui souffrent, …
Avec les coupes du gouvernement, des services de certains organismes communautaires devront être rationnalisés. Nous le ressentons déjà. Pensons à l’Accueil Poirier qui, une chance, innove pour que son service demeure ouvert. Au Journal de Rue, organisme dont il est possible que les services ne puissent survivre à la conjoncture actuelle. Pensons à Moisson Estrie qui doit composer avec une demande grandissante sans que les dons suivent celle-ci. À JEVI, organisme de prévention du suicide, dont il a fallu faire une réorganisation des services.
Je vois la souffrance humaine, les pleurs, la frustration, etc. Je vois des gens qui ne sont pas capables de se faire soigner. Je vois le système et les services de plus en plus hermétiques. Mon rôle en tant que T.S. est, entre autres, de raviver l’espoir. Aussi, de décrier haut et fort quand je vois des injustices. Et maintenant, je peux dire que je vois des injustices en coupant dans le réseau de la santé et des services sociaux, dans le financement aux organismes communautaires. Je suis directement touchée et sur le terrain, avec plusieurs collègues, nous recevons ces gens et nous devons composer avec notre propre impuissance et tenter d’innover; ce qui n’est pas toujours facile.
Ce texte est un cri à l’humanité… L’espace d’un instant, mettez-vous dans la peau d’une personne désespérée et qui a besoin d’aide (pour n’importe quelle raison) qui est confrontée à des listes d’attente dans les organismes communautaires ou dans les CSSS, à l’inexistence de ce service, etc.
Je ne vis pas dans le rêve… Je sais que le système ne peut avoir un financement lui permettant de combler les besoins de tous… Mais il y a une limite à vouloir arriver à l’équilibre budgétaire en coupant dans les programmes, dans le financement des organismes, en restructurant l’aide sociale pour que les règles soient encore plus sévères, etc.
Enfin, voici mon cri du cœur, ma contestation du mouvement d’austérité actuel.