Coups d’État en Bolivie: au cœur d’un continent en tempête

Date : 8 décembre 2019
| Chroniqueur.es : Guillaume Manningham
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On souligne cette année les 30 ans de la désintégration du bloc de l’Est. À cette époque, plusieurs voyaient la fin de l’Histoire avec le capitalisme néolibéral triomphant qui se développerait sans entraves à l’échelle mondiale. L’Histoire des peuples nous offre une réponse tout autre. Plusieurs soulèvements de masse ont eu lieu cette année dans le monde notamment en Amérique latine (Chili, Équateur, Colombie) et à Haïti. Cette cour arrière des États-Unis, comme la doctrine Monroe l’affirme depuis 1823, est un continent stratégique pour l’impérialisme dominant face à la montée d’autres puissances notamment la Chine. Riche en ressources naturelles et agricoles, disposant d’une main d’oeuvre abondante et surexploitée ainsi que d’un vaste marché pour écouler ces produits, cette partie du monde est vitale pour l’impérialisme US. Début d’une chronique sur un continent en tempête.

Paradoxalement, c’est en 1980 dans la même Bolivie qu’a eu lieu le dernier coup d’État militaire en Amérique latine dans la période des dictatures de sécurité nationale (Paraguay, Brésil, Uruguay, Chili, Argentine). Le président bolivien Evo Morales est le premier président autochtone de ce pays de 11,3 millions de personnes ayant une proportion de 62% d’Autochtones. Le 10 novembre, il a accepté de convoquer une nouvelle élection, quelques heures avant d’être contraint à l’exil pour le Mexique, suite au résultat contesté du 20 octobre. Les militaires ont préféré violer la Constitution et changer les votes par les armes en «invitant» le président à quitter le pays. Comme pour plusieurs dirigeant.es du parti MAS (Mouvement vers le socialisme) majoritaire au Congrès, cette démission s’est faite sous la menace des milices envers les proches du président et avec la complicité de la police.

Au premier tour électoral du 20 octobre, Carlos Mesa, ancien président néolibéral de 2003 à 2005, a terminé 2e avec environ 10% de votes de moins que Morales qui a eu 47%. La 4e nomination de Morales comme candidat aux présidentielles explique en partie sa baisse de popularité lui qui avait reçu 61% des votes en 2014. Au delà de la réclamation d’un 2e tour électoral, les Comités civiques de la région de Santa Cruz avec à leur tête Luis Fernando Camacho ont manifesté pour renverser tous les changements des dernières années. Ces groupes ont craché leur haine raciale, patriarcale et de classe; en affirmant vouloir une «Bolivie libre des Indiens», en brûlant ou en retirant les drapeaux wiphala, représentant l’ensemble des Premiers Peuples des Andes, et en affirmant que la Bible unique est de retour contre le culte «satanique» de Pachamama, la Terre-Mère.

Ces protestations violentes ont propulsé la nouvelle présidente Jeanine Áñez. Elle s’est autoproclamée en contournant le Congrès pour recevoir le pouvoir directement des mains du chef des armées. Elle a votée rapidement une mesure d’impunité pour les militaires qui avaient donc le feu vert pour réprimer violemment les protestations et les blocages faits pour contrer le coup d’État. Les premières mesures de la nouvelle présidente ont été d’enligner la Bolivie vers des alliances régionales inféodées aux États-Unis. Une reprivatisation des secteurs gaziers, miniers et des télécommunications est envisagée ce qui fait saliver des compagnies transnationales comme Tesla très intéressée à mettre la main sur les riches réserves de lithium. On a annoncé de nouvelles élections mais en interdisant Morales qui est menacé de procès s’il revient au pays.

Durant les années de pouvoir du MAS de Morales, la pauvreté extrême est passée de 38 à 15% de la population et la redistribution de la richesse des ressources nationalisées a pu permettre le développement des services publics. L’indice de Gini des inégalités a été réduit de 19% et une nouvelle Constitution plurinationale a été adoptée. 36 langues autochtones ont été reconnues pour la première fois au côté de l’espagnol, les usages de la justice indigène ont été légalisés, les bases militaires US ont été rétrocédées et la culture du coca a été légalisée. Bien que partielles et limitées, ces réformes étaient inacceptables pour l’élite traditionnelle qui domine depuis le colonialisme espagnol. On assiste donc à une réaction violente de cette élite et d’une partie importante des classes moyennes face à Morales, mais surtout face aux mouvements sociaux des opprimé.es; des femmes, des minorités sexuelles, des Premiers Peuples et des classes populaires ouvrières et paysannes.

En terminant, il ne faut pas négliger la responsabilité propre du président Morales et du MAS dans la situation avec notamment; la foi dans la fidélité constitutionnelle de l’armée et de la police, l’opposition à l’autonomie des mouvements sociaux, la corruption et le clientélisme perpétués sous de nouvelles formes et la poursuite de l’extractivisme qui a causé des conflits avec plusieurs secteurs appuyant au départ Morales. Chose certaine la solution de rechange n’est certainement pas le retour à l’ère néolibérale. Depuis le 10 novembre, le régime meurtrier a tué plus de 30 personnes en plus des centaines de blessé.es et d’emprisonn.ées. Un massacre inégalé depuis la guerre du gaz naturel ayant causé 77 mort.es en 2003. L’Histoire des peuples de Bolivie n’est pas terminée pour autant.

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