Chronique du Vivant : Biodiversité et interrelations

Date : 1 janvier 2025
| Chroniqueur.es : Guillaume Manningham
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Crédit image : Guillaume Manningham

La loi de la jungle, la compétition, la domination, la cruauté des espèces vivantes les unes envers les autres, voilà des idées généralement entendues depuis notre enfance. Elles définissent notre vision du monde du Vivant et ces interactions souvent violentes et jugées égoïstes. C’est chacun pour soi.

Par ricochet, comme la construction sociale raciste a servi de justification à l’esclavage et au colonialisme, cette vision hiérarchique sert à justifier l’accumulation « naturelle » de pouvoir et de richesses chez les humains entre les mains de quelques individus. Pourtant, quand nous regardons de plus près, nous constatons plutôt des rapports d’interdépendance, de mutualité et d’équilibre régulateur entre les espèces vivantes. La biodiversité se réalise à travers des rapports interreliés où les trois règnes du Vivant (végétal, fongique (champignons) et animal) y contribuent en lien avec les milieux géophysiques et le climat existant.

Également, nous apprenons très tôt que la terre, le bois et le sol sont synonymes de saleté tandis que l’asphalte et le ciment représentent la propreté. Les entrées de cour sans feuilles et les gazons uniformes sans pissenlits exigent temps, argent et énergie pour « l’apparence ». Pourtant sait-on que la majorité des espèces vivantes se retrouvent sous terre? Que les champignons ont permis aux plantes de s’installer il y a environ 450 millions d’années?

Le règne fongique n’est séparé du végétal et de l’animal que depuis 1969 et nous découvrons l’existence de nouvelles espèces chaque année. Et il en reste une gang, car on estime à 2,5 millions d’espèces de champignons et nous en avons identifié seulement 155 000! Nous continuons à découvrir les multiples interactions du règne fongique bien que les humains les utilisent depuis des siècles avec les levures entre autres. Ils purifient l’eau et l’air, captent le carbone et limitent l’érosion. Et plusieurs sont comestibles et ont des vertus médicinales. Les champignons participent à la décomposition de la matière qui compose le sol rendant notamment les minéraux et l’eau disponibles aux plantes via la symbiose de leurs systèmes racinaires qu’on nomme mycorhizes.

Le trio végétal, fongique et animal (bactéries, insectes) forme l’activité biologique du sol qui augmente avec la température et l’eau adéquate. Favorisant ainsi la matière organique (humus). Cette mince couche arable généralement de 5 à 30 cm prend 1000 ans sous nos latitudes à se former et à vivre. Heureusement en 10 ans, nous pouvons mettre en place les éléments pour reconstituer ce précieux humus.

Certain.es pourraient dire qu’il suffit de mettre de l’engrais chimique soluble directement aux plantes comme le 20-20-20 et voilà! En fait, la majorité des surfaces agricoles que vous voyez sont encore accrochées, dépendantes à cette façon de faire. Particulièrement pour cultiver du maïs pour nourrir les gros troupeaux de vaches et de cochons. Pressés par les impératifs de productivité et de rendement exigés par le marché capitaliste. Et bien évidemment cette approche dominante actuellement favorise l’érosion de l’humus en laissant à nu les sols après les récoltes en plus de lessiver les nutriments solubles facilement pour la plante, mais aussi dans l’eau. Résultat : la plupart des bassins versants du sud québécois sont pollués et déséquilibrés jusqu’à menacer les prises d’eau potable.

En déclarant la guerre aux insectes (insecticides), aux mauvaises herbes (herbicides) et aux maladies fongiques (fongicides), l’approche agricole que je qualifie de capitaliste industrielle a créé une illusion momentanée de rendement au prix de sacrifier la biodiversité des sols et des écosystèmes. Parce que cela tue bien plus largement que les ravageurs en appauvrissant les écosystèmes comme nous-mêmes. Insectes pollinisateurs, amphibiens et oiseaux sont décimés le long des champs de maïs aux publicités du « génie » agricole bien affichées le long des routes. Comparativement à l’agriculture dite conventionnelle (qui date des années 1960 surtout…), chaque plan de fertilisation et programme cultural biologique ne sert pas uniquement à nourrir la plante cultivée annuellement. Mais bien à nourrir le sol afin que celui-ci, riche et vivant, contribue à nourrir les plantes cultivées que nous voulons récolter pour se nourrir en soutenant les principes de santé, de précaution, d’écologie et d’équité.

En ce sens, comme communauté humaine, dans notre ville, vous pouvez rendre disponibles vos talents et intérêts auprès d’autres sous la forme de banque de temps et en retour bénéficier des talents et intérêts d’autres pour vos besoins. Cette communauté se nomme l’Accorderie et elle est connue pour avoir mis sur pied le Café Baobab. Plus globalement et dans un sens de relation inégale, les intérêts financiers canadiens affectent les territoires ailleurs notamment des Premiers Peuples dans ce qu’on appelle les Amériques avec les compagnies minières. Je vous propose d’écouter la courte série de balados, « Miner la Vie », réalisée en 2023 par le Comité des droits humains en Amérique latine (CDHAL).

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