L’identité, c’est complexe. Une part de récit individuel et l’autre de récit collectif. Plume, ce grand poète musicien inspire de son souffle. Parce qu’«On arrive toujours au bout du parcours du lieu d’où l’on vient. Toujours à l’affût de ce que l’on fut. Toujours on revient.» La fête nationale du Québec, la Saint-jean-Baptiste, c’est peut-être une belle occasion de se regarder le nombril de la troupe? Je témoignerai pour mettre en relief une part de ce qu’on est…ou pas.
C’est particulier d’être un mix de couleur au Québec. Née dans les années 70 dans une famille de Blancs où ma grand-mère n’embrasse même pas mon père à Noël parce qu’il est trop noir. J’ai zéro culture haïtienne autre que la couleur de mon ADN, ma mère vient du bas du fleuve, d’un village d’où l’vent r’vire de bord. Mon québécois est assez… de souche et pourtant.
On me félicite pour mon français. Avec humour, je réponds. «Oui, ce matin je me suis dit que ça y’est, aujourd’hui je parle québécois. Ça fait assez longtemps que je me pratique.»
La langue, c’est vrai que c’est une part indéfinissable de l’identité. Je ne serais pas la même sans nos expressions colorées!
Un jour, un monsieur me dit: «Bravo mademoiselle, je vous félicite parce que vous êtes bien assimilée» et sa femme d’ajouter: «Ben voyons, ça ne se dit pas! On dit intégrée!» Les remerciant sincèrement, ma collègue est en train de se liquéfier. Je n’ai pas osé leur dire que j’étais née ici et leur compliment s’adressait seulement à mon gène tropical. Au centre d’achat en me voyant enlever mes crampons, on me lance: «vous ne devez pas avoir besoin de cela dans votre pays han!». «Vous avez bien raison mon cher monsieur, parce que le Québec, ce n’est même pas un pays!»
Plume a déjà dit «c’est le blues de la bêtise humaine […] Y’a rien q’une chose qui compte sua terre c’est l’humour rouge, jaune, blanc pis nouêrrr, […] faut apprendre à rire de soi-même même si ça ne règle pas nos problèmes.»
La couleur de mes origines, c’est toutes les fois que j’ai dealé des gestes et des commentaires maladroits des Québécois, de mon enfance à maintenant.
Dans un party, j’ai chanté Mouton noir et en fin de semaine, c’est quelqu’un qui me chantait une ritournelle «on n’est pas faite en chocolaaaat!» (répété en boucle svp). Mon amie n’en revient pas, c’était la première fois qu’elle y était exposée. Moi, c’est l’histoire de ma vie. C’est 1000 fois arrivé avant.
De me faire lécher pour vérifier que je n’étais pas en chocolat pour vrai. De devoir répondre à si je me sens plus blanche ou plus noire. De me faire demander si on peut me conter une joke de Noirs, de me faire dire que j’étais belle pour une Noire.
Il y a longtemps que je me questionne: c’est quoi être québécois.e? Tout un travail de réflexion m’a permis de cheminer. Je ne le prenais pas personnel me disant que les gens font cela pour bien faire, même si ça mal fait des fois.
C’est là que je me réconcilie avec notre côté colon.
En fait, je ne serai jamais une «vraie» québécoise où il y aura toujours quelqu’un pour me remettre en plein face ma non-appartenance à cette nation.
Bien qu’à force de voyager, je me réjouis de dire que je viens du Québec, la partie francophone du Canada. Les Basques capotent et on parle de lutte d’identité. Sinon, cela sensibilise les gens à notre réalité, de minorité linguistique.
En 2018, la Saint-Jean s’est fêtée avec ma’am Pouliquin, à Niska Banja en Serbie. On s’amusa à définir c’est quoi être québécois.e? Il y aurait tant à dire entre le menu en serbe, la musique de mariage trad et nos idées qui s’enflamment. Des traces qui pourraient nous lancer sur des débats houleux et ce serait tant mieux!
Les notes ont été prises en point de forme.
C’est quoi être Québécois.e? C’est un mix de français-british-américain-amérindien. C’est une identité trop complexe pour être définie par la langue. Est-ce qu’on est québécois.e par le territoire qu’on habite? Par les taxes qu’on paie? Par une contribution quelconque? Comment détacher l’histoire de l’identité et la valoriser? Il y a être québécois d’origine, née au pays et être québécois en devenir, issu de l’immigration.
On se rend compte qu’à force d’être trop universel, on perd l’unicité. On pourrait peut-être parler de repères culturels au bénéfice de tous, des anciens comme des nouveaux. En rendant hommage aux autochtones tout d’abord et tentant de voir en quoi portons-nous les traces de ces Nations? Découvrons les différences entre les 13 nations aussi. Si nous demandions à un «Pure laine», les événements marquants du Québec, que dirait-il? On s’entend qu’un peuple sans histoire est voué à disparaître parce que les marques de son identité collective ne seront pas connues…destinées à l’oubli.
L’avant, c’est aussi l’après. Alors qui es-tu lorsque tu ne sais pas qui tu as été?
Comme dirait Francis Desharnais, bédéiste «Quand tu comprends et connais ton histoire, tu ne devrais pas avoir peur des autres.»
Et moi, mon histoire c’est d’être «Assis sur ma fleur de lys à la St-Jean Baptiste, je regarde se suivre les moutons qui sautent dans le gazon, je voudrais bien être blanc comme eux autres. Moi je suis juste mon caractère, terre de mouton noir, fa que», encore une fois Plume t’auras jamais si bien dit. Fa que. N’ayons pas peur, soyons curieux et pas juste par la couleur!