Le 6 décembre passé, la Ville de Sherbrooke a entériné une loi obligeant les cyclistes de moins de 18 ans à porter un casque en tout temps. Qu’en pensent certains cyclistes utilitaires sherbrookois ?
Nick C. Zoghbi
Cette mesure peut avoir pour conséquence une diminution significative du nombre de cyclistes comme le montre la situation observée en Australie et en Nouvelle-Zélande, où la loi imposant le port du casque a fait chuter de 30% le nombre d’adeptes. S’il est nécessaire de réfléchir à la sécurisation de la pratique du vélo, notamment en direction des jeunes dans le cadre de déplacements courants, l’effort doit être porté sur les aménagements et le partage d’espaces pour que les différents modes de transports puissent coexister. Le port de casque à vélo, c’est seulement pour les villes qui ne veulent pas de vraies solutions, c’est-à-dire réduire progressivement la place de l’auto dans la ville pour rendre le vélo et la marche sécuritaire. Sherbrooke peut faire mieux !
Serge-Étienne Parent
La sécurité à vélo n’est pas en premier lieu une question médicale, et on aurait tort de l’aborder ainsi, car il s’agit avant tout d’un enjeu d’urbanisme et de civisme. Le casque obligatoire est loin d’être le premier recours, qui est (1) une infrastructure urbaine adéquate et (2) le respect du Code de la route par tous les usagers.
1. La sécurité des cyclistes pourrait être améliorée en première ligne par une intégration du vélo comme mode de transport (et non comme un véhicule de loisir) dans les plans d’urbanisme, et de concevoir le mobilier urbain en fonction d’un accroissement du vélo sur les routes, donc non seulement concevoir des voies cyclables intégrées au réseau routier (donc munies de signalisation adéquate), mais aussi prévoir la conversion future de voies aujourd’hui dédiées à l’automobile en voies cyclables intégrées.
2. Le respect du Code de la route sera amélioré en faisant d’une part la promotion de la sécurité à vélo et d’autre part en donnant une consigne aux policiers qu’il doit être respecté tel qu’il est prescrit. Les policiers de Sherbrooke en laissant les infractions se dérouler sous leurs yeux (et en commettant eux-mêmes des infractions…) encouragent la délinquance automobile, alors que celle-ci devrait être sévèrement réprimée.
Jean-Pierre Roy
Bien qu’on ne puisse pas être contre la vertu, je suis contre ce règlement. Rien n’empêche les parents de montrer aux enfants le bon exemple du port du casque, pas besoin de règlement pour ça. On oublie souvent que le vélo n’est pas qu’un véhicule, en particulier pour les enfants, c’est aussi un jouet sur lequel ils sautent pour aller chez le petit voisin et s’amuser dans la rue. Ils sont constamment à le laisser, puis à y revenir 10 minutes plus tard, puis à le laisser de nouveau et le reprendre de façon ponctuelle. Si j’avais obligé mes enfants à porter EN TOUT TEMPS le casque, je crois qu’ils auraient délaissé le vélo, parce qu’ils auraient dû enlever et remettre leur casque aux 10 minutes, ou ils auraient dû le garder sur la tête tant que le vélo n’était pas revenu à la maison (ce à quoi ils n’auraient sûrement pas obtempéré).
Fabien Burnotte
Qu’on fasse un règlement inapplicable et coercitif me désole. Mais qu’on se préoccupe de la sécurité à vélo me fait plaisir. Je crois qu’il serait important que nos élus, puisque leur décision est dans ce sens, augmentent leurs actions en sécurité à vélo pour toute la communauté, par exemple en accélérant le développement d’un réseau utilitaire de base, entre les principaux pôles de la ville : commerces, écoles, cégep-université, hôpitaux, banlieues principales, avec les budgets en conséquence!
Jean-Pierre Landry
Je porte toujours un casque et un rétroviseur sur mes vélos, sinon je me sens tout nu! Soyons sérieux, c’est une activité légèrement dangereuse, en partage avec plus fort! On est pas toujours en balade récréative sur piste campagnarde, et un faux mouvement peut nous faire percuter le sol violemment : j’ai moi-même senti le coin du trottoir vouloir m’enfoncer le crâne!
Mais soyons cohérents, la ville n’applique pas du tout le règlement sur le port du casque et genouillères pour patineurs sur la promenade du Lac-des-Nations où il serait facile d’en pincer 15 à l’heure par beau temps. L’angélisme a ses limites et les discours politiciens aussi.