De passage pour son spectacle au Granada, le 17 mars dernier, Bernard Adamus a rencontré Claude Dostie.
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Claude Dostie [CD] Tu ne parles pas tant que ça de politique dans tes chansons, après trois albums. Ça ne te parle pas?
Bernard Adamus [BA] Il y aurait plein de choses à dire là-dessus si j’étais quelqu’un de politiquement impliqué, si j’avais été un gars comme Biz ou si j’avais été comme les gars des Cowboys Fringants, mais non ce n’est pas un sujet qui m’appelle tant que ça. Je ne sais pas pourquoi, mais je ne pense pas que je suis la meilleure personne pour faire ça, peut-être un jour ça va arriver, mais ce serait plutôt par la bande.
[CD] Je cherchais dans tes paroles les références, mais tu parles du Black Bloc dans ton premier album. «Ça prend le Black Bloc pour faire un monde».
[BA] C’est un peu vrai, pour faire avancer les choses, ça prend toujours un universitaire de gauche assez ferré parce que, c’est plate à dire, mais ce n’est pas la madame de Matane qui travaille dans une usine de crevettes qui va réellement faire avancer son problème de comment gérer famille et travail. Puis ça, ça ne paraît pas, mais oui ça prend un universitaire quelque part qui se dit okay, this is enough. Fait que oui, des fois ça prend un peu de cassure, je pense, pour faire avancer les choses.
[CD] Puis le travail de la police, admettons, la condamnation du matricule 728.
[BA] J’étais bien content, je le connais bien, moi, Simon Pagé, c’est un gars avec qui je joue des fois. Serge Lavoie aussi, je le connais bien. Ils se sont fait pogner par madame matricule 728. Fait que oui, c’est une bonne chose, mais c’est très rare que ça arrive qu’on réussit à condamner un flic. Comme disait je ne sais plus quel journaliste, ce qui est le plus étonnant, c’est que quelqu’un comme elle ait pu travailler aussi longtemps au sein de la police sans que personne ne dise rien et que tout le monde trouve ça normal qu’une raciste homophobe, qui haït grosso modo tout le monde, travaille pour la police. Tant mieux, écoute, je n’ai aucune pitié, façon de parler, envers elle.
[CD] Sorel Soviet So what, c’est quoi la référence?
[BA] En fait, c’était un soir d’Halloween, on faisait un show ce soir-là, je m’étais déguisé en motard, puis je m’étais écrit ça sur le bras. J’avais demandé à mon soundman «Écris Sorel, ça va être drôle», j’ai dit «Écris Soviet, ça va être encore plus drôle», «écris So what, ça va être très drôle», puis en même temps, ça donne un drôle de clin d’œil à l’album de Megadeth, qui s’appelait So far, So good… So what! Fait que les métalleux, ils l’ont trouvé plus drôle que les autres. Mais c’est juste ça, puis après ça, ça a fini par faire partie du texte d’une toune, mais c’était pure fantaisie.
[CD] Moi, mon kid de 2 ans et demi, il tripe pas mal sur ta chanson Le blues à G. G. Il s’est mis à sacrer à la garderie. Est-ce quelque chose que tu recommanderais, l’écoute de ton disque aux enfants?
[BA] Ça dépend des parents. Tu sais, les enfants, ils en prennent et ils en laissent. Mais c’est sûr que oui, cette toune-là, elle sacre beaucoup.
Étonnamment, ce n’est pas mes paroles. C’est un collage de textes de Gérald Godin. Je ne sais pas trop pourquoi j’avais fait ça cette toune-là, en fait. C’était comme le syndrome de la page blanche, je pense, à ce moment-là, puis je suis un grand fan de Gérald Godin, puis j’avais ce drôle de riff-là, puis en fait ça, ça remonte à une couple d’années, j’avais rencontré deux gars de l’UQAM dans un bar à Montréal. Eux autres étaient venus me voir, puis là ils m’ont demandé si ça me tentait de chanter du Gérald Godin. J’ai dit de un, je ne connais pas le poète, puis de deux, je n’ai jamais fait ça, puis ils m’ont donné un recueil de Gérald Godin. Je ne l’ai pas touché pendant des mois et des mois, puis à moment donné j’ai lu cette affaire-là, je pense, trois fois en ligne. J’ai bien aimé ça, puis après je suis allé me pogner un recueil, puis j’ai lu beaucoup de ses affaires, puis à moment donné j’ai décidé de faire ce drôle d’exercice-là. Puis c’est un texte, j’aurais quasiment pu l’écrire, façon de parler, cette toune-là. Ça me ressemble quand même beaucoup.
Au début, quand j’avais dit ça à mon réalisateur et à sa blonde, il était comme «ayoye, qu’est-ce que tu vas chanter, ça ne te ressemblera pas, je ne vois pas comment tu peux faire ça». J’ai dit «attends un peu, donne-moi un break», puis ça a bien fait.
[CD] Mais tu dis que c’est un collage, ça veut dire que ce n’est pas un poème?
[BA] Non, c’est un montage, j’ai pris ça dans trois quatre poèmes en même temps. Surtout basé sur un qui s’appelle Méré, Méré, mais c’est quatre cinq poèmes qu’il y a là-dedans.
[CD] Je voulais te demander, je t’avais vu sur la Wellington cet été pendant le Sherblues. Y a-t-il vraiment un enjeu pour toi de jouer des nouvelles chansons?
[BA] Bien, de un, les gens décrochent quand ils ne les connaissent pas, surtout quand c’est une grande foule, le monde ils sont moins concentrés, façon de parler. Quand tu fais un show devant des milliers de personnes, ce n’est pas le temps de faire une nouvelle toune, tu sais. Le monde sont là, dehors, ils jasent, ils prennent de la bière, ils frenchent leur blonde, ils écoutent ce qu’ils connaissent déjà. Ils ont rarement le goût de s’accrocher, surtout que moi, mes tounes ont beaucoup de texte. Puis c’est très basé là-dessus, les chansons sont vraiment guitare-voix, puis tant que ça ce n’est pas fait, moi, je ne la présente pas au band, la toune. Fait que vraiment faire une nouvelle toune, ça n’a pas rapport faire ça, le monde décroche. J’avais déjà essayé quelques semaines avant, j’avais décidé de casser quatre nouvelles tounes pendant un spectacle, puis c’est un fiasco. Le monde ne comprenait rien. Le monde ne va pas là pour ça.
[CD] Es-tu pogné avec tes vieilles chansons, des fois, commences-tu après trois albums?
[BA] Oui, c’est sûr. Puis il y a des tounes que je me tanne avec le temps, mais je pense que c’est pareil pour tout le monde. J’ai la chance d’avoir un show très, très, très «interactif», fait que le monde il chante beaucoup, fait que je reçois beaucoup d’énergie du monde, fait que ça des fois ça fait passer le motton. Parce que Brun la couleur de l’amour, je l’ai chanté un paquet de fois dans ma vie. La première toune que j’ai écrite dans ma vie c’est Brun. Fait que je commence à l’avoir chantée au-delà de 1000 fois. Mais quand on la part dans un bar, bien tout le monde chante, fait que c’est vivant.
L’entrevue a été filmée par le vidéaste Jean-Benoît Baron.