Une critique sans trop divulgâcher.
Jean-Jacques Rousseau disait que l’injustice fait mal lorsqu’elle se voit. J’irai plus loin en disant qu’elle devient effroyable lorsqu’elle est ancrée dans une société depuis très longtemps, trop longtemps.
Je m’en souviendrai…
Je me souviendrai que la terreur fait foi pour faire taire les gens qui ne se satisferont jamais des injustices.
Je me souviendrai que l’apartheid n’était pas uniquement propre au pays de Mandela et à l’Afrique du Sud meurtrie, mais qu’il a gangréné… Que dis-je? Qu’il gangrène depuis bien longtemps ce monde de l’oubli généralisé. À ces apartheids sociaux, culturels, ethniques, l’horrible affront contre notre humanité n’a eu de cesse de s’embellir notamment lors de la crise d’Oka entre juillet et septembre 1990. Dates auxquelles font référence le poignant, le déstabilisant film BEANS de Tracey Deer.
Grandir trop vite, c’est ce que va connaître Tekahentahkwa, alias Beans. Emprunt à l’innocence et qui éructe la violence, cette jeune fille de 12 ans va tomber dans la Crise d’Oka qui va tirailler sa communauté mohawk résidant dans un Québec divisé lors de l’été 1990, notamment lorsque l’on veut agrandir un terrain de golf sur un cimetière mohawk.
Une gifle, mais quelle bonne gifle qui nous rappelle que chaque injustice vécue par des peuples opprimés mérite tous les combats ! Auréolé de récompenses au Prix Écrans Canadiens (meilleur film), le long métrage fut sélectionné dans les festivals du TIFF et de la Berlinale, la réalisatrice a qui l’on doit la série Mohawk Girls, nous livre un premier film de fiction réussi.
On ne ressortira pas indemne et c’est pour cela qu’on vibre pour le cinéma, avec cette particularité d’avoir le film dans la peau pendant longtemps.
Je me souviens finalement que le beau cinéma des émotions a simplement horreur des secrets, des injustices de l’Histoire, des laissés pour compte et qu’il est, à jamais, notre art de la mémoire.
Retrouvez sans plus tarder BEANS de Tracey Deer dans les salles obscures de La Maison du Cinéma.