Être un homme dans une culture patriarcale, c’est être placé devant le choix d’agir contre la domination de la moitié de l’humanité ou de contribuer à la perpétuer. Ne rien faire, c’est donner son consentement à la domination. Cela étant dit, il n’est pas toujours facile de voir ce qui peut être fait pour ne pas être un vecteur de domination. Ce texte a donc pour but de fournir quelques exemples de comportements et d’attitudes qui ont le potentiel de faire une différence.
La première chose à faire est d’éviter de récupérer le féminisme en essayant de déterminer quelles luttes doivent être menées ou bien ce que doivent être les enjeux prioritaires. La raison pour laquelle le terme féminisme est employé plutôt qu’un autre, c’est que le féminisme est une lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes, mais aussi qu’il est avant tout un mouvement d’émancipation des femmes. Cette émancipation est, selon les féministes, nécessaire parce que dans une société patriarcale, les femmes vivent des oppressions qui leur sont spécifiques. Or, ces oppressions sont multiples et puisqu’elles sont directement vécues par les femmes, ce sont elles qui doivent être au-devant des luttes qu’elles choisissent. En fait, les hommes ne peuvent qu’avoir une place d’alliés de la cause tout au plus. Pour utiliser une métaphore, l’homme qui se révolte contre le patriarcat peut être comparé à la résistance qui luttait contre la peste brune durant la Seconde Guerre mondiale. À elle seule, jamais elle n’aurait pu libérer l’Europe. La quasi-totalité de la victoire est due aux grands pays non occupés qui, dans le cas de l’analogie, représentent les femmes féministes. Ce sont elles seules qui peuvent gagner ce combat qui est le leur. En somme, le travail des hommes qui veulent en finir avec le patriarcat n’est pas celui de mener les grandes batailles de front, mais plutôt de dynamiter les positions fortes de l’ennemi afin d’ouvrir certaines brèches aux féministes.
Plus concrètement, agir contre le patriarcat et le masculinisme en tant qu’homme, c’est avant toute chose garder un œil sur soi-même et accomplir un travail d’autocritique afin de purger ce qui participe à la domination des femmes. Cet exercice doit être constamment recommencé, car cette lutte se mène très concrètement sur le terrain de la quotidienneté et il est plus difficile de changer une habitude que de se prononcer en faveur ou en opposition avec telle ou telle politique gouvernementale. L’aspect quotidien de ce travail n’occulte en rien sa dimension politique. Cependant, il est question de ne pas séparer la «grande politique» de la «petite politique» concrète et quotidienne.
Il s’agit également d’oser créer certains malaises lorsqu’une situation nécessite d’intervenir. En effet, les propos et les gestes sexistes se produisent souvent dans les milieux d’hommes parce qu’un individu croit qu’il est socialement acceptable de tenir ces propos ou d’effectuer ces gestes. Briser cette espèce de consentement du silence est nécessaire, et ce, malgré la pression sociale parfois très forte qui tend à inhiber l’action. En réalité, le but des hommes luttant contre le masculinisme, le sexisme et la culture patriarcale en général devrait être de renverser le malaise en rendant ces attitudes honteuses et en encourageant les comportements inverses.
Tout compte fait, le travail d’allié est une lutte quotidienne qui doit précisément avoir pour but d’agir dans l’ombre du mouvement féministe. Combattre la domination masculine est quelque chose qui s’accomplit avant tout en combattant ses propres comportements lorsqu’ils participent à l’oppression de l’autre. L’autre volet d’action possible est de briser le confort masculiniste qui rend acceptable l’inacceptable. C’est seulement ainsi que les hommes dégoûtés par le patriarcat pourront ouvrir les brèches qui affaibliront les positions fortes de la domination masculine.