L’issue des élections de 2022 n’est un secret pour personne. La victoire écrasante de la CAQ ne fait plus l’ombre d’un doute depuis déjà plusieurs mois. Mais, cette quasi-certitude n’enlève aucune pertinence pour la deuxième moitié de la campagne. Bien au contraire! Il suffit de se détacher un peu de la politique pour se tourner vers le politique pour constater que même s’il n’y a pas de suspense et qu’il risque encore moins d’avoir des surprises, ce à quoi nous assistons en ce moment n’a rien d’anodin.
« La politique divise, le politique rassemble » (Wolff, 2015)
Pour Francis Wolff1 , « [l]e » politique, ce sont les conditions du vivre ensemble. « La » politique, ce sont les stratégies de la conquête et de l’exercice du pouvoir. » Si je tente de résumer ça de manière encore plus simple, je dirais que le politique, c’est le peuple. La politique, quant à elle, représente la partisanerie, c’est elle qui qui fait de la ou du meilleur.e démagogue la ou le représentant.e du peuple.
Si Wolff juge que les deux politiques sont en totale opposition, il n’en est pas moins convaincu de leur complémentarité. Selon lui, «si la politique sans le politique est vide et mène au rejet de la démocratie, le politique sans la politique est dangereux et mène au populisme.»
Maintenant, mes ami(e)s, j’ai le devoir moral de vous dire qu’on est dans de beaux draps.
Le monde entier est en crise depuis plus de deux ans et les répercussions se font ressentir et le Québec ne fait pas exception. Pour traverser ces crises, ce qu’il nous faut, c’est un gouvernement qui encourage la cohésion, pas un gouvernement qui est prêt à sacrifier un groupe dès qu’un sondage ne lui est pas assez favorable afin de remonter dans l’opinion publique. Pas besoin d’être sociologue ou analyste politique pour percevoir à travers cette campagne que les Québécois(e)s n’en peuvent plus. Qu’iels sont fatigué(e)s. Pour démontrer à quel point le déroulement de la campagne électorale reflète ce que la belle province est devenue, penchons-nous sur le mouvement qu’il y a eu dans les projections faites au sujet de l’arrondissement de Sherbrooke depuis le début de la campagne. Le climat de violence qui s’empare du Québec depuis plusieurs mois ne ment pas. Le Québec est en colère.
L’image ci-dessous est celle qui, à mes yeux, fut la plus révélatrice du climat conflictuel qui règne actuellement au Québec. Ce graphique illustre l’évolution des probabilités de victoires dans l’arrondissement de Sherbrooke depuis le début de la campagne électorale.
Présentement, Sherbrooke est le seul arrondissement des Cantons de l’Est à ne pas être caquiste. La présence d’un cégep et d’une université sur le territoire sherbrookois, porte à croire que l’impact de ces institutions sur la moyenne d’âge et le contexte socio-économique de ses résident(e)s pourrait expliquer en partie cette percée de QS.
Cela dit, je m’explique mal la chute drastique de QS face à la députée caquiste observable ci-dessus. Était-ce des suites de l’une ou l’autre des gaffes commises depuis le début de la campagne électorale que QS aurait perdu autant de partisans ? Malheureusement, n’ayant pas accès aux données démographiques des répondant(e)s, je ne saurais émettre d’hypothèse.
Les députées de la CAQ et de QS ont obtenu respectivement 35 et 31 % des intentions de vote. Les trois autres partis luttent pour le tiers restant. Un aspect particulièrement révélateur de l’ampleur qu’a prise la division de la population, c’est le fait que les deux partis en tête se retrouvent aux deux extrémités de l’échelle politique. L’image des 3 autres pris dans le fin fond du fossé entre les deux parle, elle aussi.
La politique a failli à son devoir de soutenir le politique. Je dirais même qu’elle s’est entremêlée avec le politique. Graduellement, le gouvernement en place s’est immiscé dans le politique. Depuis le début de son mandat, on le voit diviser le peuple détruisant ainsi les conditions favorables au vivre ensemble. Il a profité de l’absence de la politique pour se tourner vers le populisme et s’est déresponsabilisé de toutes situations risquant de déplaire à son électorat accusant tantôt le fédéral, tantôt les immigrants, tantôt le gouvernement précédent. Ça ne vous rappelle pas la phrase de Wolff citée plus haut : «[…] le politique sans la politique est dangereux et mène au populisme.»