L’invasion inadmissible de l’Ukraine par la Russie de Poutine est un acte criminel, contraire à toutes les règles du droit international et des droits de l’homme. Perpétrée par un membre permanent du Conseil de Sécurité (!), elle a courageusement été condamnée par le Secrétaire général des Nations Unies et à sa suite, par l’Assemblée générale convoquée en session d’urgence : 141 votes contre l’invasion de la Russie qui n’a rassemblé que quatre votes pour; 35 pays se sont abstenus, comptant cependant la moitié de la population mondiale.
La nature de la « guerre en Ukraine »
Au lieu de profiter de ce rapport de force diplomatique en sa faveur, le président Zelensky aurait refusé une offre secrète des Nations Unies de déployer des Casques bleus aux frontières du Donbass et de Louhansk et s’est hélas enferré 1- dans son « droit » de joindre l’OTAN (dénoncé par Chomsky), 2- dans la levée d’une résistance armée et 3- l’emprisonnement de maires partisans des accords de Minsk.
La « guerre entre Russes et Ukrainiens », aux prémices apparues après l’effondrement de l’Union Soviétique en 1989 et la déclaration d’indépendance de l’Ukraine en 1991, a-t-elle débuté le 24 février 2022 ou dès 2014, suite au coup d’État Maïdan perpétré par des nationalistes ukrainiens infiltrés par des fascistes-nazis, avec le soutien des États-Unis et du Canada (où vit la plus large communauté ukrainienne exilée, dont la puissante vice-première ministre Chrystia Freeland au passé familial nazi ukrainien) ? Le remplacement du président élu corrompu pro-russe par un président non élu antirusse, pro-occidental et pro-américain a servi de prétexte à la Russie pour récupérer le contrôle de la Crimée. Les États-Unis et le Canada ont ensuite piloté le revirement antirusse de la « nouvelle » Ukraine à grand renfort de dollars et d’aide militaire : devenait prévisible et quasi-inévitable le soutien de la Russie à la résistance des populations russophones des régions de Donetsk et Louhansk.
De leur côté, les États-Unis ont intensifié et accéléré leur action via l’OTAN, en se présentant comme défenseurs et libérateurs de l’Ukraine et de toute l’Europe de l’Est contre ce qu’ils percevaient comme des visées expansionnistes de la Russie, vision brutalement confirmée par l’irruption des chars russes en Ukraine.
Une guerre mondiale
Les raisons internes russo-ukrainiennes jugées insuffisantes pour conduire à l’invasion russe, la « guerre en Ukraine » nous apparaît essentiellement comme une autre (la dernière ?) phase de la guerre entre les États-Unis et l’URSS-Russie qui pendant des décennies a divisé le monde en deux blocs et semé les graines de la haine, des conflits et des guerres entre les peuples et entre les groupes sociaux au sein des peuples eux-mêmes.
L’ex-président Hamid Karzaï a conseillé à Volodymyr Zelensky de faire les compromis nécessaires pour éviter que son pays ne soit dévasté, comme son propre pays l’Afghanistan le fut par 43 ans de guerres des deux blocs. Quasi-censurés, tant l’avis de Karzaï publié en Inde que les appels diplomatiques à ne pas aider l’Ukraine avec des armes (y compris celui des pacifistes ukrainiens), mais à rechercher le plus rapidement possible un arrêt diplomatique de la guerre avec la Russie, sont restés sans écho, comme l’opinion du brésilien Lula qui juge la responsabilité de la guerre partagée également entre Poutine et Zelensky. Nous pouvons donc définir la « guerre en Ukraine » actuelle comme l’une des principales expressions violentes d’une « guerre globale » à l’échelle planétaire.
Un grand déséquilibre s’est creusé au cours des trente dernières années entre les États-Unis et l’OTAN d’une part, et la Russie d’autre part, au profit des premiers qui au cours des cinq dernières années, selon le Stockholm International Peace Research Institute, ont dépensé de seize à dix-huit fois davantage en armes (59 % des dépenses mondiales) que la Russie (3,4 %). Le principal intérêt qui pousse les États-Unis et « leur » OTAN à soutenir activement la guerre en Ukraine n’est pas la défense du peuple ukrainien, c’est surtout l’occasion qui leur est offerte de réduire considérablement la puissance russe sur le plan militaro-politique et via l’Organisation de coopération de Shanghai.
Depuis trente ans, les États-Unis se préparent à la guerre contre la Russie en essayant systématiquement d’étendre la présence opérationnelle de l’OTAN sur tous les territoires limitrophes de la Russie, y compris l’Ukraine « indépendante ». Et ce, malgré les promesses faites à plusieurs reprises et les accords signés avec la Russie sur la non-extension de l’OTAN à l’Est. Avec la demande officielle de la Finlande et de la Suède de rejoindre l’OTAN ces jours-ci, tous les voisins européens de la Russie (à l’exception de la Moldavie, ainsi que du Bélarus et de la Transnistrie, alliés de la Russie) feraient désormais partie de l’OTAN, un mur long de plus de 2000 km contre la Russie sur le sol européen, lourdement armé d’ogives nucléaires qui peuvent atteindre Moscou en quelques minutes à peine.
Pour les États-Unis et la grande majorité des États membres de l’OTAN, l’objectif de la « guerre d’Ukraine » est clair : a) la gagner pour réduire la puissance mondiale russe b) maintenir ainsi la suprématie militaire et politique mondiale c) réduire la dépendance énergétique et alimentaire de l’Occident à l’égard de la Russie et promouvoir les intérêts de puissance économique des grands groupes multinationaux américains et européens, en « légitimant » des investissements dans le nucléaire et dans les énergies à émissions de carbones comme le gaz de schiste, au mépris des objectifs durables exprimés urgemment par le GIEC.
Ceci explique pourquoi, en réponse à une récente allusion (à la sincérité douteuse) de l’Ukrainien Zelensky à une ouverture aux pourparlers de cessez-le-feu, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a rétorqué que l’Union Européenne souhaitait que l’Ukraine gagne la guerre, et le secrétaire général de l’OTAN, le Suédois Stoltenberg, a annoncé qu’il faudrait davantage de temps et de souffrances pour que l’Ukraine remporte la victoire finale sur la Russie. La décision du président Biden d’allouer 40 milliards de dollars à l’envoi d’armes et à la reconstruction de l’Ukraine va dans le même sens: pas de paix, mais gagner la guerre contre la Russie et réduire l’Ukraine à une nouvelle colonie alliée-satellite. Le pouvoir des Ukrainiens de décider de la guerre est très réduit : les États-Unis et l’UE via l’OTAN décident. Voilà la « liberté pour les Ukrainiens » ! La déclaration du 14 mai à Florence de Josep Borrell, Haut représentant de l’UE pour les affaires internationales, « en aidant l’Ukraine, notre volonté est de défendre le plus faible contre le plus fort », semble une pure mystification.
Nous dénonçons comme irresponsable et criminelle cette volonté déclarée de guerre et de destruction dont les principales victimes directes sont les peuples ukrainien et russe et indirectement, les peuples les plus pauvres d’Afrique et d’Asie, car ils souffrent et meurent de faim en plus grand nombre que jamais, en raison des effets désastreux sur la distribution des céréales produites en Ukraine suite aux représailles russes et aux sanctions économiques adoptées par l’UE pour punir et mettre à genoux l’économie russe.
S’il ne faut pas minimiser les ambitions dictatoriales de Poutine de reconstituer le pouvoir de la Grande Russie tsariste en s’appuyant sur ses armes nucléaires, nous devons également dénoncer les mystifications, les mensonges et l’hypocrisie des belligérants non déclarés mais réels qui, au mépris des promesses et des deux traités de Minsk, ont commis des violations manifestes du droit international et ainsi massivement contribué à alimenter la guerre en cours.
Jamais dans le passé il n’y a eu sur le plan international logiques de domination aussi explicites. La poursuite de la guerre meurtrit les populations des pays les plus faibles, appauvries et démunies (y compris les plus de cent millions de migrants, chiffres alarmants de l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés), afin d’augmenter les profits des fabricants et exportateurs d’armes, parmi lesquels les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne, puis la Russie et l’Inde de Modi.
Devant la mondialisation de l’économie et les « révolutions » technologiques qui ont contribué à faire de la Chine la deuxième grande puissance économique moderne du monde, voire la première en termes de produit intérieur brut, les États-Unis craignent que la Chine ne parvienne à imposer le yuan comme la monnaie préférée du commerce mondial en lieu et place du dollar et n’en vienne à occuper une place prépondérante sur les marchés financiers : la présente guerre cherche à réaffirmer une suprématie remise en question par leurs défaites humiliantes en Afghanistan et en Syrie.
Que faire ?
L’Agora des Habitants de la Terre considère qu’il est urgent de dénoncer l’inacceptabilité et l’illégalité de cette guerre globale fondée sur le principe de domination, sur la marchandisation et la privatisation de la vie. Nous luttons pour la reconnaissance de l’Humanité comme sujet institutionnel juridique et politique pour réguler le vivre ensemble mondial.
Nous dénonçons l’esprit corrosif et destructeur de la spoliation des droits universels de tous les habitants de la Terre, les êtres humains et autres espèces vaincues de la communauté de vie.
Nous déplorons la culture de la haine que cette guerre globale renforce à l’encontre de tous ceux qui n’acceptent pas de subir l’actuelle domination néocoloniale globale, en particulier de la superpuissance US/NATO/UE. Un petit exemple de la grande hypocrisie et du cynisme auxquels a conduit l’actuelle guerre des géants : l’UE a décidé de financer l’aide économique et militaire à l’Ukraine à partir d’un fonds ad hoc « pour les actions en faveur de la paix » (sic) !
Nous dénonçons l’absence de formes de gouvernement mondial démocratique pluriel et participatif, du local au global, pluricommunautaire, promoteur et défenseur des droits et de la vie de tous les habitants de la Terre. Les groupes dominants actuels ne veulent pas d’un tel gouvernement ni même d’une ONU forte. Ils veulent dominer. Ce sont des prédateurs. Du côté des sans voix, du côté des bafoués des droits à la vie, à la justice et à l’eau potable (puisque la raréfaction de l’eau documentée par le GIEC est une attaque internationale contre un bien commun essentiel, donc un crime majeur contre l’humanité), notre document appelle à une plainte du ressort de la Cour pénale internationale.
L’invasion russe est un acte criminel en petite partie puni par le légitime et solidaire boycott international de son gaz. Produit néfaste et inacceptable de la « guerre mondiale » en cours, tout aussi néfaste et inacceptable, la guerre n’a jamais résolu les problèmes, elle ne fait que détruire des vies humaines.
Il faut libérer le devenir de la vie, des peuples et de la communauté mondiale des hypothèques exclusives et pirates du nationalisme, de la performance financière totalitaire, des impératifs technocratiques qui prédominent sur la vie et la fraternité, enfin de l’appropriation privée mercantile des biens communs essentiels et indispensables à la vie. La liberté et la justice sont assassinées lorsqu’elles sont dominées par le pouvoir d’achat. Le sens et les droits de la vie ne sont pas à vendre et ne peuvent être achetés.
Nous proposons par conséquent
a) Le lancement au sein de l’ONU, avant même la fin de l’Agenda 2015-2030, d’un Pacte Mondial pour la Paix, la Sécurité et la Solidarité entre tous les habitants de la Terre pour la préservation et le soin de la communauté de vie globale de la Terre. Nous proposons que ce pacte soit appelé « Agenda 2045 » en l’honneur du centenaire de la création de l’ONU.
b) L’ouverture d’un processus « fondateur » d’une Communauté européenne fondée sur la paix, notamment par i) la proposition d’abandon unilatéral des armes nucléaires via le Traité d’interdiction des armes nucléaires de l’ONU appuyé par 131 (ratifié par 61) pays ainsi que par le nouveau Premier ministre australien, ii) la refondation des Casques bleus ;
c) L’arrêt des opérations militaires actuelles, par l’ouverture de négociations de paix entre Russes et Ukrainiens, avec l’engagement de la Russie à retirer ses troupes au-delà des frontières des territoires envahis en février dernier grâce à la promesse de l’Ukraine de ne plus recevoir d’armes offensives des États-Unis et de l’UE et de respecter les accords de Minsk protégeant les communautés russophones du Donbass et de Donetsk ;
d) Des négociations entre la Russie, l’Ukraine et l’Union européenne en vue d’un nouvel accord de coopération et de sécurité paneuropéenne pour le 21e siècle; les États-Unis, la Chine, l’Inde, le Nigéria et le Brésil seraient invités aux négociations, comme observateurs amicaux ;
e) La suppression de l’OTAN militariste, une fois la paix signée.
Tel Camus, notre humble tâche se doit « d’empêcher que le monde se défasse. »