Mon premier amour, je l’ai frenché pour la première fois autour d’un feu de St-Jean, pendant que mes ami·e·s faisaient semblant de n’avoir rien remarqué – avec à peu près la discrétion d’une alarme d’incendie dans une bibliothèque.
Son nom de camp c’était Atchoum, pis le mien c’était Nutella.
Ça a duré le temps d’un été, mais j’étais bien loin de me douter du précédent que cet évènement allait créer dans ma vie.
Il y a de ces choses qui se lient l’une à l’autre, bien malgré soi.
À la demande générale – oui, on me fait parfois des demandes pour cette chronique – je vais donc vous parler de ce lien étrange qui unit ma vie romantique à la ferveur nationaliste.
C’est que j’me considère comme très politisée, mais non partisane. Je regarde l’adhésion à des partis politiques de manière un peu suspicieuse, comme s’il y avait anguille sous roche.
Surtout lorsqu’il s’agit de vieux partis, j’ai l’impression que leur base militante devient plus attachée au parti – le moyen – qu’aux idées qu’il véhicule. Cela devient particulièrement criant quand des candidat·e·s font le saut d’un parti dit « de gauche » vers un parti dit « de droite » et vice versa, en fonction des intentions de vote de leur circonscription.
Dans le jeu de la séduction, les mêmes stratégies pour être élu·e sont employées : aller dans le sens des intentions de vote de l’électorat courtisé. Moi, j’veux l’indépendance. Le programme d’un jeune péquiste m’a donc initialement plutôt séduite, avant que j’me rende compte que son projet de souveraineté ne s’étendait pas à la conjugalité. J’aurais dû me douter qu’on n’avait pas la même définition d’« indépendance ».
Nous avions tous les deux lu le livre qui fait dire « oui », seulement pas le même. Le mien concernait surtout les pratiques de chambre à coucher. S’il voulait faire du Québec un pays, je me cantonnais plutôt à la pensée « Mon lit, un pays » !
Comme Catherine Dorion, je partage l’idée que l’amour et la politique ont beaucoup en commun – il peut d’ailleurs sembler curieux que je cite une députée Solidaire après avoir craché sur l’adhésion aux partis politiques : comme en politique j’ai du mal à croire que les partis politiques soient la réponse au problème, j’ai aussi du mal à croire que le couple monogame hétérosexuel soit la réponse aux problèmes de désir et d’autodétermination qui se posent en amour.
Dans les deux cas, j’ai un idéal qui frôle l’anarchisme.
En politique, il y a longtemps que je ne suis plus dupe en matière de promesses électorales. Cependant, en amour, j’ai encore visiblement du mal à faire le transfert de connaissances.
Récemment, j’ai recroisé Atchoum par hasard.
On a été invités au même feu de St-Jean (hasard, quand tu nous tiens !), où il m’a annoncé qu’il est rendu avec le combo « marié-maison-bébé ».
Ça a cliqué, dans ma tête.
J’ai d’autres projets d’autodéterminations que ceux à l’agenda politique : si les souverainistes veulent un Québec sorti du Canada, moi j’veux surtout me sortir du carcan de la monogamie et ses prérequis.
Mon corps et ma vie comme projets nationalistes.