À peine les fêtes sont passées que le consumérisme cogne encore à la porte à l’occasion de la St-Valentin qui s’en vient!
C’est une fête qui m’agace un peu plus, chaque année.
Ce dédain, il remonte à quand je travaillais dans une petite boutique vendant des parfums et des produits pour le corps, dans un centre d’achat tout près de chez vous. Je me souviens que le mois de février me fascinait, puisque plus la date fatidique du 14 approchait, et plus y travailler relevait de l’expérience sociologique.
En effet, le capitalisme semblait reprendre ses droits, encouragé par un élan patriarcal.
C’était particulièrement marquant, après la période creuse du mois de janvier où tout le monde comptait ses sous.
Quand j’ai pris l’emploi, je pensais plus à payer mes études qu’à réaliser une expérience sociale qui allait remettre en question ma conception du couple comme institution dans un système capitaliste.
Si au début du mois, une quantité astronomique de paquets-cadeaux de tous les prix étaient disponibles, rendu le jour même, il en était tout autrement! Malheureux résultat : ma clientèle habituellement féminine s’est envolée ce jour-là pour laisser place à une marée d’hommes prêts à payer un prix d’or pour ne pas rentrer les mains vides à la maison.
La même chose était arrivée à Noël, au niveau des stocks, mais quelque chose était différent et m’agressait plus particulièrement, cette fois-ci.
Pour augmenter mon malaise, ce n’était que des hommes qui passaient en boutique à la fin de la journée, la plupart n’ayant aucune idée des goûts de leur partenaire. Certains me donnant même carte blanche, obsédés à l’idée d’offrir quelque chose, peu importe le prix! Pire, j’avais l’impression que plus la somme était élevée, et plus le client devant moi se permettait d’être détaché de la récipiendaire. Certains se permettaient même des remarques machistes du genre : « elle devrait arrêter de chialer pour un boutte, là ! »
Comme si ça achetait l’amour ou obligeait à la reconnaissance.
À être redevable.
À la fin de la journée, je me souviens d’être rentrée chez moi, puis d’avoir retrouvé avec stupeur mon amoureux de l’époque qui m’attendait, avec fleurs et chocolats.
Ça m’a scié les jambes. Mais j’ai pris sur moi.
Après une journée à emballer des cadeaux pour des hommes qui n’en ont visiblement rien à chier et qui achètent par réflexe, je n’ai pas pu m’empêcher de me demander si c’était son cas, à lui aussi. D’ailleurs, c’est une relation qui n’a pas très bien fonctionné au niveau des valeurs, ultérieurement.
N’empêche, depuis cette année-là, mon malaise persiste. Le fait de vivre des relations de manière non traditionnelle n’a fait qu’augmenter celui-ci.
Désormais, je ne peux m’empêcher de remarquer que le capitalisme a érigé le couple en un idéal, à grand coup de marketing et de publicités : « Abonne-toi à Tinder Gold pour trouver l’amour! », « Forfait romantique pour deux », etc. L’amour est devenu un bien de consommation. Une marchandise dont on nous fait la promotion à longueur d’année, avec le – très coûteux – mariage comme consécration.
J’voulais passer cette Saint-Valentin-ci seule, mais même la masturbation a été accaparée par le capitalisme, comme en témoigne ma boîte de pourriels, qui déborde d’annonces pornographiques et de sex toys.
Si mes amoureux veulent me faire plaisir, ils savent quoi m’offrir : la chute du capitalisme.
Quoi? Je peux toujours rêver.