Nous croyons vivre dans une société inclusive et accessible aux personnes handicapées. Pourtant, notre invisibilité parle d’elle-même. La méconnaissance de notre réalité et des barrières qui se dressent entre nous et notre participation citoyenne nuit à notre inclusion. On nous responsabilise de ne pas avoir les aptitudes requises à être fonctionnelles en société, mais pour être fonctionnelles dans un cadre préétabli par une société. Le fait de vivre dans une société plus handicapante que nos handicaps, ça porte un nom : capacitisme systémique.
Ok. Peut-être avons-nous des places de parking et des toilettes adaptées, n’empêche que ça n’vaut pas le revers de la médaille.
Pauvreté, exclusion, stigmatisation, difficultés à se loger, à se trouver un emploi, ce sont tous des obstacles à notre inclusion. Aujourd’hui, c’est sur une réalité encore plus méconnue que je veux attirer votre attention : l’handiparentalité.
On peine à croire qu’il est possible pour une femme d’être mère et handicapée. Ce n’est pas seulement possible, il s’agit même d’un droit protégé par l’ONU.» Mais, possible ne veut pas dire facile. La réalité des mères handicapées, ce n’est pas seulement de devoir surmonter les limitations liées au handicap. Ça, c’est tel que tel. On s’y adapte. De devoir surmonter le fait de ne pas pouvoir répondre aux critères des rôles que doivent jouer les femmes. D’être sans cesse confrontée au jugement des gens, ça, par exemple…
L’handiparentalité au sein du CIUSSS de l’Estrie
La non-reconnaissance de l’existence de l’handiparentalité se résulte en l’absence de données probantes. Les professionnel.le.s de la santé et des services sociaux n’étant pas formé.e.s à faire face de telles éventualités, la situation n’est pas près de changer et c’est pourquoi il faut en parler.
L’absence de données nous empêche de nous faire un portrait clair de l’ampleur que prend le capacitisme dans des institutions telles la DPJ. Néanmoins, les rares documents disponibles portent à croire qu’effectivement, les différents CIUSSS ne sont pas exempts de capacitisme. L’organisme Ex Aequo va en ce sens :
« […]il est important et pressant que les différents intervenants et intervenantes juridiques et judiciaires, en raison notamment du pouvoir qu’ils détiennent sur le cours et sur les résultats de ces procédures, devraient avoir une plus grande et meilleure connaissance de la réalité des familles composées d’un ou de deux parents en situation de handicap. Ils devraient aussi avoir les moyens et les ressources nécessaires pour bien les accompagner dans leur démarche visant à faire reconnaître leurs droits. » (Ex aequo, 2019)
Voici l’exemple d’un cas de la DPJ de l’Estrie démontrant que l’impact du capacitisme va bien au-delà de l’impact vécu par les principaux concernés. Jamais n’oserais-je minimiser l’ampleur de la charge de travail des intervenantes de la DPJ. D’autant plus que nous avons tous.tes notre part de responsabilité dans ce problème systémique qui est au cœur de la DPJ et responsable de tant de drames. À titre de citoyen.ne.s nous sommes responsables du trop fort nombre de signalements que la DPJ doit traiter. Or, leur vision normative de ce qu’est un « bon parent » est, elle aussi, responsable des drames subis ces dernières années.
Mars 2020 : À Granby, on nous rapporte le cas d’enfants qui, malgré que la DPJ était déjà intervenu auprès de cette famille à 5 reprises, ont passé 5 mois dans les excréments de douze chiens avant qu’on ne procède enfin à l’intervention!1
Novembre 2020 : Nous aussi avons fait l’objet d’un signalement pour le même motif. Chez moi, aucune pourriture, aucune bibite, aucun excrément. Pourtant, notre cas a été jugé comme étant urgent. Bref, le signalement n’a pas été retenu. N’ayant aucune confiance en cette institution, j’ai quand même demandé à voir le dossier de mon enfant. À la première page du dossier se trouve la date d’ouverture du dossier (soit la date de réception du signalement). Notre cas ayant été jugé comme étant une urgence sociale (je n’ai pas eu accès à ce qui a mené à cette décision, malheureusement), ça n’aura pris que 8 jours avant qu’on n’aboutisse chez moi. HUIT!
HUIT jours avant de venir vérifier l’ampleur d’un signalement tellement urgent qu’il n’aura même pas été retenu. Au moment de cette visite si précipitée à mon domicile, qui sait ce qu’un enfant sur la liste d’attente depuis des mois subissait? Nous sommes en droit de nous demander si le fait d’être une mère handicapée avec tous les préjugés que ça comporte n’aurait pas joué sur la rapidité du traitement et l’importance qu’on a accordée à ce signalement. L’intervenante m’a quand même questionnée après que je lui ai exprimé mon étonnement quant à l’empathie dont est doté mon enfant. Tout de suite, elle nous a dit qu’il arrive que les enfants de parents handicapés soient aussi attentionnés puisqu’ils ont la pression de devoir jouer le rôle du parent.
Et, ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Nous ne saurons jamais où intervenait la DPJ au moment des drames des dernières années. Aujourd’hui, je vous implore de vous informer quant à cette réalité qu’est la nôtre, mais aussi quant aux diversités familiales. En tant que société, on ne peut se permettre que des enfants vivent dans des conditions horribles puisque des intervenant.e.s sont pris.e.s chez des familles pour des signalement basés sur des préjugés et que leur évaluation des priorités d’intervention en est également teintée. Nous nous devons de collaborer pour la protection de la jeunesse. LA VRAIE!.