Considéré comme une organisation criminelle, voire terroriste par les uns ou comme un groupe de héros démocrates par les autres, Wikileaks aura, en 2010, fait « couler » beaucoup d’encre. Portrait de ce cybermonstre et des enjeux qu’il soulève.
Wikileaks (de wiki* et de l’anglais leaks, « fuites ») est un organisme ayant pour mission de lancer des alertes par le biais son site web, en publiant des documents provenant principalement de fuites d’information fournies par des sources gardées anonymes. Le but de ces opérations: questionner la légitimité des grandes institutions de ce monde (gouvernements, médias, entreprises, etc.) en tentant d’y apporter plus de transparence – principe-clé d’une société démocratique saine – et en valorisant au maximum la liberté d’expression et d’opinion. Selon son rédacteur en chef, Julian Assange, Wikileaks aurait publié plus de documents classés que toute la presse mondiale réunie.
2010, l’année Wikileaks
Bien qu’elle soit active depuis 2006, c’est en 2010 que l’organisation se fait largement connaître du public, grâce à quatre publications-événements majeures. La vidéo Collateral murder, mise en ligne le 5 avril, a montré au monde la paranoïa meurtrière d’un soldat américain faisant feu sur des civils et des journalistes à partir d’un hélicoptère Apache.
Viendront ensuite les Warlogs, ensemble de rapports militaires provenant des fronts afghan (plus de 75 000 documents) et irakien (plus de 390 000 documents), dont la mise en ligne a débuté en juillet. Enfin, le 28 novembre 2010, Wikileaks publiait les fameux Statelogs, somme de plus de 250 000 câbles diplomatiques dont presque 2500 ont été mis en ligne depuis l’automne. Selon plusieurs analystes, le 28 novembre marque un tournant historique dans les relations internationales, les échanges diplomatiques s’étant déroulés jusqu’ici sous le couvert du secret d’État. Certains sont même allés jusqu’à évoquer un « 11 septembre de la diplomatie ».
Impacts et enjeu démocratique
Évidemment, Wikileaks est aussi l’objet de critiques. Le caractère opaque de son mode de financement en est une, celui-ci nourrissant le scepticisme face aux réelles intentions et aux potentielles relations de ces gestionnaires de fuites. La saga du Cablegate a mené à une série de mesures visant à bâillonner le site, à restreindre la marge de manœuvre de ses protagonistes : les sanctions financières et informatiques ont jailli de tous côtés afin de museler le groupe de hacktivistes. Le représentant républicain Peter King a même proposé d’ajouter Wikileaks à la liste des organisations terroristes, au même rang que le Hamas ou le Hezbollah.
De la transparence à l’obscurantisme?
Cette quête donquichottesque de transparence pourrait-elle mener à son contraire, c’est-à-dire à un resserrement des libertés numériques? Les politiques sécuritaires post-11 septembre, sous l’égide de la guerre au terrorisme, n’ont-elles pas conduit à une dégradation des libertés individuelles et collectives? Des projets comme la LOPPSI 2 en France ou le SHIELD Act aux États-Unis pourraient, au nom de la sécurité nationale, poser un sérieux frein au plus bel apport du Web 2.0: la création d’un contre-pouvoir parallèle, incontrôlable, souverain et, du point de vue d’une certaine élite, dangereux.