Capitalisme et violences envers les femmes

Date : 26 février 2019
| Chroniqueur.es : William Champigny-Fortier
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Les violences commises contre les femmes, qu’elles soient sexuelles ou non, sont la preuve la plus évidente qu’il existe une domination du genre masculin encore aujourd’hui. Une des spécificités de ce rapport de pouvoir est qu’il est souvent masqué par un voile d’amour et de romantisme. Le couple est souvent l’espace où la domination masculine peut conduire à des formes de violences extrêmes et parfois jusqu’à la mort. Selon la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes, environ une Québécoise sur quatre subira dans sa vie une forme de violence conjugale et seulement 22 % d’entre elles porteront plainte.

Cette grave problématique provient évidemment d’un problème plus large concernant les rapports de pouvoir entre les hommes et les femmes. Il est évident qu’encore en 2019, nous vivons dans une société patriarcale avec tout ce que cela suppose. Néanmoins, cette oppression n’agit pas seule et a pour complice le système capitaliste. On aurait tort de sous-estimer la part de responsabilité du système capitaliste en ce qui a trait aux inégalités sexistes.

Dans bien des cas, les femmes qui subissent une forme de violence conjugale en sont bel et bien conscientes, mais un frein important qui les empêche de s’affranchir de cette situation est de nature économique. C’est que dans une société où le genre masculin a un avantage salarial sur le genre féminin, celui-ci peut devenir une arme pour dissuader une victime de violence conjugale de quitter son couple. La pauvreté étant plus forte chez les femmes, s’enfuir d’une situation de violence, parfois avec des enfants, devient un défi particulièrement compliqué. Cette même inégalité salariale cause par ailleurs une inégalité dans l’accès au système judiciaire, autre enjeu important dans les cas de violence conjugale.

Mais cette inégalité est loin d’être la seule dimension du capitalisme qui ait un impact sur les violences faites aux femmes. Le financement adéquat des organismes communautaires est toujours un combat à recommencer dans un tel système. Qu’il soit question des maisons d’hébergement ou des associations qui luttent contre les violences à caractère sexuel, l’austérité représente toujours une épée de Damoclès prête à s’abattre à tout moment si les gouvernements souhaitent réduire les dépenses. Dans une étude produite en juin 2017, l’IRIS rappelait les effets néfastes des politiques d’austérité des gouvernements passés et montrait que cela avait eu un impact amplifié sur les femmes immigrantes ou autochtones.

En ce qui concerne le capitalisme considéré globalement, on retrouve des situations particulièrement atroces qui démontrent comment s’imbriquent la domination du genre masculin et celle de la classe capitaliste. Nombre de régimes dictatoriaux où les droits des femmes sont bafoués sont sortis de la cuisse d’États impérialistes et sont encore aujourd’hui maintenus en place grâce à la complicité des gouvernements occidentaux. En Amérique latine, en Afrique et au Moyen-Orient, des régimes réputés pour leur non-respect des droits humains élémentaires, surtout ceux des femmes, achètent des armes et marchandent allègrement avec le Canada, les États-Unis ou la France.

Historiquement, la classe capitaliste a toujours su instrumentaliser certaines différences qui ne peuvent être hiérarchisées a priori : le fait d’appartenir à tel ou tel genre par exemple ou encore celui d’avoir la peau de telle ou telle couleur. Bien que le patriarcat et le racisme préexistent au capitalisme, celui-ci permet à une classe de solidifier sa domination en instrumentalisant telle ou telle différence. C’est notamment pourquoi les écarts salariaux persistent dans les systèmes capitalistes. En entretenant des différenciations hiérarchiques au sein d’une même classe sociale, le système capitaliste oppose des personnes avec un même intérêt économique. Mais cette situation fait également en sorte qu’une partie de la classe sociale est davantage lésée et subit encore plus de violence. La domination masculine profite du système capitalisme pour donner une dimension économique à l’oppression. Ce n’est donc pas un hasard si Clara Zetkin, l’instigatrice du premier rassemblement pour la Journée internationale des droits des femmes, était une militante socialiste révolutionnaire. Le capitalisme et le patriarcat sont des formes de domination si imbriquées qu’elles semblent indissociables.

Ceci étant dit, l’angle structurel ne doit pas servir à mettre sous le tapis la nécessité d’agir sur un plan personnel. De nombreux articles et ouvrages ont été produits sur le sujet et j’ai également déjà écrit sur le sujet de la déconstruction de la socialisation patriarcale chez les hommes. Ce serait une grave erreur que de croire que l’angle structurel doit nous amener à négliger les actions quotidiennes et les luttes qui se produisent ici et maintenant, même celles qui ne soulèvent pas toujours l’aspect capitaliste de la domination et de la violence contre les femmes. La lutte féministe est indispensable et se justifie elle-même sans avoir besoin d’être liée à une lutte anticapitaliste, toutefois il apparaît également nécessaire de soulever l’imbrication des différents systèmes d’exploitation et de domination.

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