Cher journal intime,
On peut dire que depuis l’élection, ça ne s’est pas arrêté. À peine le temps de me remettre du choc du verdict qu’il me fallait déjà expliquer comment j’allais mettre en place mes promesses de campagne. Et comment que je vais faire pour le budget? Et comment que je vais faire pour l’Union des municipalités du Québec ? Alors que moi, j’avais encore les jambes chancelantes de l’annonce des résultats. J’étais tout étourdi en regardant les chiffres en ma faveur à la télé.
Heureusement, mon amoureuse était à côté de moi et me serrait la main bien fort. Ça a fait resurgir mes souvenirs de nos premières dates en motocross. Toutes ces émotions, mélangées à l’odeur de gaz de ma KTM, m’ont redonnées du tonus dans les mollets. Et hop! J’étais à nouveau bien droit et souriant devant les micros et les caméras des journalistes. Avoir « l’air de », c’est important! C’était même mon programme de campagne. J’aurais jamais pensé avoir autant « l’air de ». Tellement que je viens de me faire élire maire de Sherbrooke!
Maintenant, je peux bien te le dire à toi mon cher journal : j’ai un peu peur d’être le nouveau maire. En plus, ce vilain Bernie fait tout pour pas me voir et m’expliquer comment qu’on fait au cabinet avec les dossiers pis toute. Bon, c’est vrai, je n’ai pas été très gentil pendant la campagne avec mon montage photo « Où est Bernie? ». Surtout que ça m’a couté de sacrifier un album de ma collection des « Où est Charlie? ». Mon attaché politique avait même choisi le plus beau de ma bibliothèque. Mais ppfff, j’ai bien ri dans ma barbe en montrant le montage aux journalistes.
Tout de suite après l’élection, il m’a fallu écrire toute une trolley de discours. Je me suis mis dans un coin de mon grand bureau de maire et j’ai sorti mon grand cahier et mes crayons de mon sac d’école. J’ai sué sang et eau, j’ai fait beaucoup de ratures, et j’ai cassé ma mine de crayon plusieurs fois. Ce qu’il y a de bien avec les discours, c’est qu’on voit pas ce qu’il y a d’écrit sur mon cahier. D’ailleurs, quand mon amoureuse passait derrière moi pour vérifier que je travaillais bien, je cachais mes ratures avec mon coude.
Puis est arrivé le grand conseil de classe du conseil municipal. Là c’était bien parce que c’est moi qui donnais les bons points. La veille, j’avais pigé au sort avec mon directeur de cabinet les membres des différents comités politiques. Dans un grand chapeau de paille d’Halloween on avait mis les noms des conseillers, puis dans une grande chaussette de Noel le nom des comités. On a bien rigolé quand Danielle Berthold a été tirée au comité exécutif. J’ai conclu la séance du conseil avec un discours qui a su imposer mon style: « Un gros merci beaucoup. Nos prochains quatre ans, ça va être super ».
(à suivre)