Dans le centre de détention temporaire, alors que nous n’avions qu’un sandwich au fromage et 100 ml d’eau à consommer toutes les sept heures, alors que nous devions nous soulager dans des toilettes sèches sans porte, alors que l’air climatisé faisait chuter la température ambiante à six degrés Celsius, alors que nous avions pour seul lit le sol de béton maculé de déchets, alors que la plupart d’entre nous ne saisissions même pas encore l’ampleur de cette violation des droits humains, j’entendais plusieurs de mes compatriotes de cellule s’exclamer sous le poids des émotions : « je ne veux plus jamais aller manifester, j’aurais bien trop peur ».
Au fil des insultes faites par les policiers, de fouille à nu en fouille à nu, le sentiment de panique s’est atténué et le discours a changé. Pour une part importante des personnes arrêtées, ces deux ou trois jours derrière les barreaux marqueront le début d’une nouvelle expérience militante.
Tous les manifestants et toutes les manifestantes qui ont pris la rue pendant les quelques jours constituant le G20 y étaient au nom d’allégeances politiques ou de valeurs personnelles. Certains considéraient cette réunion annuelle de grands dirigeants comme une des plus importantes manifestations d’un capitalisme à détruire, d’autres déploraient simplement le manque de démocratie se dégageant du fait qu’une vingtaine de personnes décident en quelques jours du sort du monde, d’autres cherchaient à dénoncer le manque de souci accordé aux causes environnementales dans ce type d’instances. Par contre, ce qui est unanime chez les personnes détenues lors de la plus grande arrestation de masse de l’histoire du Canada, c’est qu’elles ont compris malgré elles ce qu’étaient réellement la brutalité et la répression policières. Si ces phénomènes sont très connus dans le milieu militant, nous ne pouvions les illustrer, au Canada, que par des faits plus ou moins isolés.
Désormais, 1090 arrêtés existent afin de témoigner de la gravité de la situation politique. De tous ces individus, beaucoup lutteront à partir de maintenant pour plus d’une cause : la brutalité policière ainsi que toutes les raisons qui les poussaient jadis à sortir dans la rue.
Ainsi, si la police et le gouvernement cherchaient de concert à nous effrayer, à nous faire baisser les bras, ils ont commis une grave erreur.
Ils n’auront réussi qu’à nous faire comprendre que la situation est alarmante, qu’il faut se grouper dès demain avant que nos droits ne nous échappent un à un. Ils nous ont rappelé à quel point la lutte ne faisait que débuter.