Snowball Street (La nuit de Noël, épisode 6)

Date : 15 décembre 2016
| Chroniqueur.es : Pier-Luc Brault
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Il lui fallut un peu plus d’une vingtaine de minutes pour se rendre à Snowball Street. La rue était dominée par un immense immeuble blanc de forme sphérique, surmonté d’un drapeau de la Principauté. Sur sa façade, on pouvait lire : « Boreal Stock Exchange ». L’édifice était entouré d’une grande clôture de fer, avec une unique entrée protégée par une barrière mécanique. Romarin dirigea sa voiture vers celle-ci. L’agent de sécurité dans la guérite le reconnut aussitôt.

— Ah, bonjour Romarin! La princesse m’a avisé qu’elle vous attendait.

L’agent de sécurité appuya sur un bouton, puis la barrière s’éleva aussitôt pour laisser entrer Romarin dans le stationnement de la place boursière. Le lutin choisit l’emplacement disponible le plus près de la porte du bâtiment, puis y abandonna sa voiture. En entrant dans le bâtiment, il dut passer devant un détecteur de métal avant d’être dirigé vers une salle de conférence, où l’attendait un petit groupe de personnes.

Une fois entré dans la salle, il reconnut aussitôt la princesse Simone, accompagnée de Doucenuit, des autres membres de la direction de la Société du Pôle Nord, ainsi que leurs homologues du Boreal Stock Exchange. La princesse étant la seule humaine parmi un groupe de lutins, elle dépassait tout le monde d’au moins deux têtes. Toutes les personnes présentes dans la pièce portaient un tailleur ou un costume trois-pièces, hormis Romarin, qui portait un chandail de laine représentant un arbre de Noël.

— Ah, vous voilà, Romarin! le salua la princesse. Prenez place, nous vous attendions.

Romarin s’exécuta.

— Mes salutations, votre altesse. J’ai été horrifié lorsque j’ai appris la nouvelle. J’aimerais vous adresser mes plus sincères…

— Pas de temps pour ça, le coupa sèchement la princesse. La mort de mon mari est une grande perte, mais nous célébrerons ses funérailles en temps et lieu. Pour l’instant, nous avons une urgence à régler. Petitsoulier, procédez, je vous prie.

Un lutin au crâne dégarni posa un doigt sur la tablette électronique posée devant lui, puis un graphique montrant une courbe exponentielle décroissante s’afficha sur l’écran de la salle de conférence. Il s’éclaircit ensuite la gorge avant de prendre la parole.

— La courbe que vous voyez à l’écran représente une extrapolation de ce qui est en train de se produire avec l’indice BSX. Depuis l’annonce de la mort du prince et de l’incertitude politique qui en résulte, c’est la panique chez nos partenaires. Nos investisseurs se départissent de leurs actions, et les administrateurs des entreprises qui ont émis des titres ici nous appellent les uns après les autres pour retirer leurs valeurs de notre marché. Si nous n’arrivons pas à arrêter l’hémorragie très bientôt, le Boreal Stock Exchange risque de…

— Ce que Petitsoulier essaie de vous dire, l’interrompit Simone, c’est tout d’abord qu’il est trop tard pour sauver Noël cette année, puisque tous les cadeaux sont partis en fumée, et que nos fournisseurs ne sont pas en mesure de répondre à une commande aussi importante en un si court délai. Mais si nous ne faisons rien rapidement, ce sont les Noëls à venir qui seront menacés. Comme vous le savez, la Société du Pôle Nord dépend des profits qu’elle tire du Boreal Stock Exchange pour se financer. Si notre bourse s’écroule, il n’y aura plus jamais de distribution de cadeaux à Noël.

La princesse s’arrêta un instant pour laisser le temps à sa déclaration de faire son effet.

— Ce qu’il faut faire, reprit-elle, c’est résoudre rapidement l’incertitude politique. Or, le Conseil constitutionnel de la Principauté se réunira lundi pour statuer sur la suite des choses. Si je vous ai tous réunis ici, c’est pour vous demander de plaider en ma faveur, afin que le Conseil me nomme rapidement nouvelle monarque. Ainsi, l’incertitude sera vite derrière nous, et nous serons en mesure de sauver les meubles.

Elle marqua une autre pause, avant de conclure :

— Ce fut une rencontre productive. Merci pour votre collaboration.

C’est ainsi que la séance fut levée. Tout le monde quitta la salle rapidement, sauf Doucenuit et Romarin, qui demeurèrent seuls dans la pièce, estomaqués.

Lire la suite du roman-feuilleton La nuit de Noël n’est pas un dîner de gala

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