L’Austérité 101
L’austérité est un choix que le gouvernement peut faire pour réduire ses dépenses. S’il réduit le budget d’un ou deux ministères, on ne parle pas d’austérité, mais lorsque ces coupes sont généralisées, on parle d’austérité.
Comme vous pourrez le lire dans les autres textes de ce bulletin, l’austérité à bien d’autres facettes que celle d’atteindre l’équilibre budgétaire. Elle permet au gouvernement d’appliquer des politiques impopulaires, de justifier la réorganisation de nos services publics et de réorienter les interventions de l’État.
Les mesures d’austérité servent le capitalisme (ou néolibéralisme) qui a pour but de favoriser la concentration de la richesse entre quelques mains qui gagnent ainsi beaucoup de pouvoir et d’influence sur les gouvernements, au détriment du reste de la population.
Depuis le milieu des années 90, d’autres mots-concepts ont été utilisés par nos gouvernements pour nous cacher le retour en force du capitalisme/néolibéralisme, au détriment des mesures sociales. Bref, ils ont servi de masques pour justifier et favoriser l’acceptation
sociale de la perte de nos acquis sociaux, en voici certains :
- Déficit zéro (ou équilibre budgétaire)
- Déséquilibre fiscal
- Réingénérie de l’État
- La dette
- L’austérité
Nous souhaitons que les pages qui suivent vous permettent d’apprendre à mieux cerner l’austérité et surtout à comprendre les différentes manœuvres gouvernementales afin de favoriser l’enrichissement des riches sur le dos des plus pauvres.
6 stratégies de déconstruction des services publics
Vers le début des années 1990, la Banque mondiale arrivait à la conclusion que les populations des divers pays se battaient contre le néolibéralisme, les privatisations et la déconstruction des services sociaux. Alors ils ont proposé aux États des stratégies pour favoriser « l’acceptation » des politiques néolibérales. Voici six stratégies expliquées :
1- Sous-financement
Les états doivent faire en sorte que le sous-financement devienne chronique, afin d’affecter la quantité et la qualité des services publics rendus pour qu’ils se dégradent avec le temps.
2- Limiter l’accès
Faire travailler les fonctionnaires sur autre chose que les services à la population (paperasse, réunions, reddition de compte…). Couper les services d’aide et d’accompagnement à la rédaction des formulaires, des plaintes et des demandes de services. Réduire le personnel qui rend le service directement à la population.
3- Tarification
Il est important d’habituer les gens à payer pour tout ! Tu veux quelque chose, tu dois payer! Une fois la tarification implantée, il est facile de faire fluctuer le montant pour le monter près du coût réel (ce qui rend le service plus intéressant pour le privé).
4- Dévaloriser
Il est important d’entretenir un discours pour mettre en valeur que : le privé fait mieux et contrôle mieux les coûts, que les fonctionnaires sont paresseux et qu’ils coûtent trop cher, etc.
5- Déstructurer
Forcer les modifications de structures, les fusions, complexifier la hiérarchie, etc. Le temps nécessaire à comprendre et à s’habituer à une nouvelle structure est encore du temps que les employéEs n’ont pas pour le service à la population.
6- Privatiser
Favoriser la privatisation des services publics, parfois en permettant la double vitesse, lorsque la privatisation directe serait contestée. Il est même recommandé de financer le secteur privé pour en réduire les coûts pour la population.
En combinant l’utilisation de ces stratégies, le gouvernement crée de façon volontaire l’insatisfaction envers les services publics chez la population. Avec le temps, cette dernière finira par réclamer elle-même la privatisation. En gros, la Banque mondiale a fourni au gouvernement des stratégies dont l’utilité est de paver la voie au néolibéralisme. Ce dernier a pour objectif de mettre le gouvernement au service des grandes compagnies et des riches.
Le coin des jeux
Encerclez toutes les illustrations qui s’appliquent à votre situation actuelle et/ou celles qui pourraient s’appliquer à vous dans les prochaines années.
Plus il y a d’images qui s’appliquent à votre situation personnelle ou familiale, plus vous serez touchés rapidement et durement par l’austérité ! Il faut combattre l’austérité de façon solidaire! Nous serons toutes et tous touchéEs !
D’autres solutions que l’austérité
Comme nous l’avons vu dans un autre article, le gouvernement pourrait choisir d’investir pour relancer l’économie plus rapidement. Le principal élément qui fait que la crise a moins touché les citoyenNes du Québec que les autres en Amérique du Nord est notre filet de protection sociale.
Il faut absolument préserver ce filet de protection, qui nous permet d’être solidairement responsables de celles et ceux qui vivent plus durement les contre coups normaux du système économicopolitique dans lequel on vit.
Au lieu de couper dans les services sociaux, le gouvernement aurait avantage à mieux les financer afin qu’ils protègent encore mieux la population. Oui, ça coûte de l’argent et justement de l’argent il y en a! Il est possible d’aller en chercher beaucoup, sans aller dans les poches de la classe moyenne et des pauvres.
Le document de la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics propose 18 alternatives fiscales permettant d’aller chercher 10 milliards de dollars. En voici 5.
1- Impôt des particuliers
En améliorant la progressivité de l’impôt des particuliers, nous pourrions aller chercher 1 milliard de plus par année. En plus, 94 % de la population paieraient moins d’impôts qu’actuellement.
2- Impôt des compagnies
Faire passer le taux d’imposition des grandes compagnies de 11,9 % à 15 %, soit récupérer les 3 % de baisses d’impôt du fédéral depuis 2010. C’est ce que le gouvernement provincial a fait en augmentant la TVQ lors de la baisse de la TPS.
3- Taxes sur le capital des entreprises financières
Rétablir la taxe sur le capital des entreprises financières (banques, assurances, etc.), abolie par le gouvernement Charest, permettrait de récupérer 600 millions $. Ces entreprises ne paient pratiquement pas d’impôt au Québec, mais font 60 % de tous les profits réalisés au Québec, elles devraient faire leur part!
4- Crédit REER
En baissant le maximum déductible pour les REER à 12 000 $, il est possible de récupérer 300 millions $. Si vous avez les moyens de mettre 24 000 $ dans vos REER (le maximum annuel), vous avez probablement les moyens de payer de l’impôt sur 12 000 $ de plus.
5- Contrôle du coût des médicaments
Introduire quelques mesures de contrôle du coût des médicaments (comme cela a été fait en Nouvelle-Zélande et en Suède) permettrait au gouvernement d’épargner 1 milliard $. Le coût des médicaments est un des principaux facteurs de l’augmentation des coûts du système de santé, une hausse annuelle moyenne de plus de 10 %.
D’autres choix sont possibles! L’argent existe au Québec! L’austérité fait payer les plus démuniEs, alors que les riches et les grandes compagnies s’en mettent plein les poches!
Pour aller plus loin sur les alternatives fiscales : www.NonAuxHausses.org.
L’austérité dans le cycle économique
L’austérité sert à ralentir et à retarder la reprise économique (croissance). Voici une mini explication du cycle économique.
1 -La crise
En période de crise économique, l’économie ralentie, les ventes diminuent, les compagnies perdent des profits et se restructurent, ce qui amène des pertes d’emploi.
Pendant cette période, les « élites » économiques demandent au gouvernement d’investir pour relancer l’économie. Cet investissement prend plusieurs formes : subventions aux entreprises, prêts sans intérêts, contrats d’infrastructures, projets de développement (CHUM, barrages, éoliennes…), etc.
Le Fonds monétaire internationale (FMI) dit que lorsque le gouvernement investi 1 $ dans l’économie, c’est l’équivalent de 1,60 $ par le privé. Donc ça redynamise l’économie.
Les mesures de relance économique combinées à la baisse des revenus étatiques (dus à la crise) ainsi qu’à l’augmentation des demandes dans les services sociaux créent de l’endettement. Alors le gouvernement coupe dans les services publics pour tenter de revenir vers l’équilibre budgétaire.
2- La croissance
Durant cette phase, il y a création d’emploi et de richesse, donc les revenus de l’État sont en hausse. Le gouvernement a déjà annoncé à plusieurs reprises qu’il va donner des baisses d’impôts plutôt que de réinvestir dans les programmes et services sociaux.
Il va présenter les baisses d’impôt comme si elle s’adressaient à la classe moyenne «qui est étouffée», mais en raison de notre régime d’imposition progressif, les baisses d’impôts profitent davantage aux plus riches qu’à la classe moyenne.
Si la classe moyenne est étouffée par la fiscalité, c’est parce que les riches et les compagnies y contribuent de moins en moins, reportant la pression sur la classe moyenne et les plus pauvres.
Le rôle de l’austérité
C’est dans le bas de la courbe que l’austérité prend tout son sens. Si le fait d’investir dans l’économie sert à la relancer, faire des compressions, lui nuit. Si on reprend les chiffres du FMI, en retirant 1 $ (en compression), c’est 1,60$ qu’il retire de l’économie!!!
Comme les revenus de l’État souffrent encore du ralentissement économique et qu’il y a augmentation
de la dette, il se sert de ces prétextes
pour justifier ces compressions dans la fonction publique et dans les services sociaux, mais qui ont pour effet de retarder la croissance.
En conclusion, durant une période de crise, on coupe les services publics. Dans le bas de la courbe, on applique l’austérité pour y rester le plus longtemps possible. En croissance, on donne des baisses d’impôts aux riches, sans rétablir ni améliorer les services publics.
L’austérité a pour simple but de retarder la période de croissance économique afin de favoriser le démantèlement et la redéfinition du rôle social de l’État. Et ça fonctionne tellement bien que nous sommes sortis de la crise économique depuis 2010 !!!, oui ça fait 5 ans!!! Mais on la subit encore à cause de l’austérité.
Pourquoi ralentir l’économie ?
Premier élément très important pour comprendre cet article : Le gouvernement n’a pas pour objectif d’offrir des services publics de qualité ou de « prendre soin » de la population ou même de la représenter. Si vous pensez ça, les décisions qu’il prend vous paraîtront toujours incohérentes.
L’objectif du gouvernement n’est pas de rétablir l’état des finances publiques, mais de redéfinir le rôle de l’État. En octobre 2014, le Devoir écrivait : « Le ministre [Coiteux, président du Conseil du trésor] a cependant répété à plusieurs reprises que l’opération de révision des programmes dépassait largement l’objectif du déficit zéro et visait un « repositionnement » de l’État. »
Pour le gouvernement, la richesse se crée par le privé et sa redistribution se fait par le salaire, pas par les mesures, les programmes ou les services sociaux. L’objectif est donc de réduire, de manière durable et permanente, la taille de l’État et donc des services sociaux offerts à la population.
- Selon les penseurs de droites, l’État doit se recentrer sur ces quatre priorités essentielles Protection de la propriété privée
- La Justice : ce qui comprend, les lois, la cours et les juges, la police et l’armée (pour appliquer le #1)
- Les infrastructures (routes, ponts, aéroport, etc.) et faciliter le commerce international
- Les services sociaux de base (mais lesquels???)
Tout le reste est superflu et nuit à la création de la richesse par les riches.
Sachant que la population n’acceptera pas d’emblée de sabrer dans les services sociaux, prolonger la crise est un atout majeur pour déconstruire l’État social (voir texte 6 stratégies de déconstruction). En plus, si les services sociaux ne sont plus gérés par l’État, cela crée un potentiel d’occasions d’affaires très intéressant pour le privé.
Donc, l’État doit mettre des mesures en place afin de favoriser l’arrivée du secteur privé dans des secteurs traditionnellement étatiques. Il est plus facile de déconstruire l’État social en période de difficulté économique qu’en période de croissance. Alors ralentir la reprise devient un choix stratégique et logique pour le gouvernement.
Le développement est de plus en plus difficile dans les secteurs économiques traditionnels, alors, le privé cherche à conquérir de nouveaux marchés. Les secteurs sociaux (santé/éducation, services sociaux, etc.) deviennent alors des secteurs intéressants pour le privé.
Le domaine de la santé est hyper lucratif et le quasi-monopole d’État et la gratuité sont plus que problématiques pour le privé. Rappelons-nous que nous avons sorti le privé de la santé dans les années 60, parce qu’il exploitait la population et privait de soins une part importante de la population, pour créer un régime plus égalitaire où l’urgence et l’importance des soins sont prioritaires à l’épaisseur du portefeuille.
Dans le domaine des services sociaux, l’intérêt du privé n’est pas tant lié au profit, mais à améliorer leur image corporative : « nous soutenons la fondation du cancer du sein », « fier partenaire du Club des petits déjeuners », etc.
Dans le capitalisme, l’objectif des compagnies privées sera toujours de faire du profit et non de soutenir des causes sociales. Par contre, si soutenir une cause leur permet de faire un profit plus important, cela devient alors intéressant. Rappelez-vous les campagnes de publicité des compagnies pétrolières pour nous faire croire qu’elles « soutiennent et enrichissent nos communautés » ou même qu’elles « protègent l’environnement ».