Critique littéraire: L’admirable ruisseau de Kim Thúy

Date : 8 avril 2012
| Chroniqueur.es : Gabrielle Gagnon
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Leur Vietnam natal déchiré du nord au sud, Kim Thúy et sa famille l’ont fui, il y a une trentaine d’années, en compagnie de boat people. De la longue traversée à fond de cale au camp de réfugiés, à la vue éblouissante des premières neiges québécoises, ce récit lumineux nous plonge dans la mémoire fragmentée d’une femme de paix ayant vécu l’exil et l’enracinement.

En français, ru signifie « petit ruisseau » et « écoulement », tandis qu’il est synonyme de « berceuse », de « bercer » en vietnamien. Paru en 2009, le premier roman de Kim Thúy a été encensé par la critique et s’est vu primé à plusieurs reprises. À la lecture de ce court roman, on ne peut qu’acquiescer au choix des jurys, tant l’auteure parvient à nous toucher par sa plume délicate et poétique. Au fil des pages, elle entremêle habilement, par bribes anecdotiques, les moult rencontres et moments charnières de son parcours de résiliente.

« Je n’ai pas crié ni pleuré quand on m’a annoncé que mon fils Henri était emprisonné dans son monde […] Il est aussi de ces enfants qu’il faut aimer de loin, sans les toucher, sans les embrasser, sans leur sourire parce que chacun de leurs sens serait violenté tour à tour par l’odeur de notre peau, par l’intensité de notre voix, par la texture de nos cheveux, par le bruit de notre cœur. »

Cette manière qu’a Kim Thúy de dépeindre les situations et les personnages qui l’entourent bouleverse, tant elle est empreinte de pudeur et de beauté.

Avocate, traductrice, restauratrice… cette Vietnamienne naturalisée Québécoise semble avoir exercé tous les métiers avant de se consacrer à l’écriture de son premier roman. De Kim Thúy, je retiens l’incroyable sagesse d’une battante au fil des épreuves vécues, et le modèle inspirant d’une intégration réussie, dont le point culminant est sans conteste l’achèvement d’un récit dans une langue jadis étrangère qu’elle a su entièrement faire sienne. Forte de cette première expérience, l’auteure aurait d’ailleurs déjà entrepris la rédaction de son second manuscrit.

Thúy, Kim. Ru, Libre Expression, Montréal, 2009, 145 p.

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