Il n’y a pas beaucoup de sagesse dans la surenchère concernant les prix de l’immobilier. On apprenait récemment que le prix des maisons à Sherbrooke a augmenté de 40% en un an ! Au rythme où vont les choses, nous risquons de nous retrouver dans la même situation que celle d’une ville comme Vancouver où le prix des maisons dépasse facilement les deux millions de dollars pour un simple bungalow. Lorsque votre évaluation en est à ce niveau, vous recevez par la poste un compte de taxes de l’ordre de 20 000 dollars pour une année !
Là-bas, j’ai vécu dans une maison qui il y a environ 7 ans était évaluée à plus de 7 millions de dollars, ancienne maison de ferme du début du 20e siècle qui n’avait rien de grandiose. Faites le calcul. En allant sur Google Maps l’autre jour je me suis rendu compte qu’elle avait été démolie et que deux plus petites maisons sans doute évaluées à plus 3 millions de dollars chacune ont été érigées à sa place. Personne ne semble se rendre compte de ce que cette folie produit en fin de compte. À ce niveau de taxes, dans beaucoup de cas, vous allez devoir prendre une seconde hypothèque juste pour payer votre compte de taxes ! C’est intenable. À Vancouver cela fait que vous vous promenez dans les rues et vous voyez autant de pancartes « À vendre » qu’il y a de maisons. L’an dernier, plus de 3000 maisons ont été démolies pour être remplacées par des immeubles à condos à des couts plus élevés que le prix des maisons à Sherbrooke.
Il y a énormément de problèmes qui s’ensuivent, dont la destruction de quartiers en termes du type d’habitants qui y résident. Cette surenchère favorise les grands groupes financiers. Le phénomène est apparu aux États-Unis où des quartiers complets sont achetés par ces groupes financiers, non pas pour les revendre à rabais, mais pour en louer les maisons à tous ceux et celles qui ne peuvent plus se permettent de les acheter, louées à des prix qui interdiront à ces locataires de maisons d’imaginer un instant pouvoir acquérir un jour la leur, tellement le prix de location aussi les étouffe. On assiste à une forme de génocide économique et culturelle avec des niveaux de stress et d’anxiété qui favorisent la prise d’antidépresseurs pour faire face au rythme quotidien infernal pour joindre les deux bouts.
Il faudrait collectivement se poser la question du type de société dans laquelle nous voulons vivre. Si nous voulons encore vivre en commun d’une manière décente, il faudra finir par réfléchir à l’avenir de ceux et celles qui nous suivent plutôt que de tirer profit de manière excessive d’un bien qui ne nous suivra pas avec notre mort. Cette richesse n’est pas bonne, même en héritage, car personne ne pourra vraiment en profiter à l’allure où vont les choses.
Il en va de même de la concentration dans tous les secteurs, dont l’alimentation. Les fermiers ne sont plus des fermiers: ils sont des sous-traitants de ces compagnies qui dictent le type de produits qu’elles veulent et si les fermiers ne peuvent suivre la cadence et les leur fournir, ils sont laissés à eux-mêmes. Nous assistons ainsi à la disparition à grande vitesse des petites fermes remplacées par des fermes industrielles aux méthodes uniquement axées sur le profit, au détriment des terres et des animaux. L’usage de fertilisants chimiques et de pesticides tue toute vie dans les sols, ce qui en retour empêche notamment les oiseaux de se trouver de la nourriture et les empoisonne en ingurgitant ce qui reste et qui est hautement toxique. Nous sommes aussi en fin de compte les récipients de tous ces produits qui sont surdosés de composants qui n’ont rien à voir avec de la nourriture et qui nous rendent à notre tour malades. Pratiquement aucune des marques de commerce que vous achetez n’est indépendante, mais appartient à de grosses entreprises financières qui dictent le marché. Il n’y a pratiquement plus d’épiceries de quartiers à Sherbrooke. Tout est concentré dans les « grandes surfaces » parce que c’est soi-disant moins cher. Mais le prix global à payer comme société est colossal.
En terminant, le Québec a été relativement épargné jusqu’à présent par les changements climatiques. Bien que plusieurs symptômes sont visibles à l’œil nu, nous n’avons pas encore eu de dégâts majeurs tels ceux que l’on voit se produire un peu partout. Nous ne sommes aucunement préparés à subir des cataclysmes comme à Asheville en Caroline du Nord. Nos possessions — maisons, autos, routes, souvenirs, etc. — ne vaudront alors plus rien.