Femme inconnue, âge inconnu, ville inconnue, 2024

Date : 1 novembre 2024
| Chroniqueur.es : Marie-Danielle Larocque
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J’suis fatiguée. Une fatigue lourde, décourageante, qui vire les tripes à l’envers, qui les révolte à chaque fucking jour.

  • Chloé Lauzon-Rivard, 29 ans, Granby, 5 Janvier 2024.
  • Narjess Ben Yedder, 32 ans, Pointe-Aux-Trembles, 26 Janvier 2024.

Une fatigue de 20 ans de militantisme, de rencontres, d’apprentissages, de remises en question, d’écoute, de témoignages, de lectures, de manifs, d’occupations, de rassemblements, de prises de paroles, d’organisation d’événements, de parcours scolaire, d’organisation communautaires, d’assemblées générales. 20 ans de travail féministe et politique, visible et (trop) souvent invisible. De backlash, d’insultes, de violences, de mainsplaining, de relations toxiques, de gaslighting.

  • Lorraine Marsolais, 80 ans, L’épiphanie, 12 Février 2024.
  • Elisabetta Caucci-Puglisi, 68 ans, Vaudreuil-Dorion, 16 Février 2024.
  • Manon Blanchard, 53 ans, Vaudreuil-Dorion, 16 Février 2024.
  • Hayette Bouguellid, 51 ans, Saint-Basile-Le-Grand, 18 Février 2024.
  • Joëlle Lapointe, 42 ans, Loretteville, 25 Février 2024.

En ce moment, je lis « Vivre en féministe », de Sara Ahmed. C’est un « livre-volcan où l’autrice donne libre cours à la langue incandescente de la rabat-joie féministe, méditation poétique et personnelle aux connotations révolutionnaires. »

Cet extrait me crache au visage : « Une fois que vous devenez une personne qui remarque le sexisme et le racisme, c’est dur de dédevenir cette personne. […] Vivre en féministe, c’est donc accepter d’être rabat-joie. Non pas demander des droits poliment, mais accepter l’inconfort de la contestation et opérer des ruptures. »

  • Louise Houle, 70 ans, Lac-Supérieur, 27 Mars 2024.

C’est tough de ne pas voir les changements sociaux espérés de notre vivant. Comme si j’allais me lever un matin et que soudainement le patriarcat, le capitalisme, tout ça serait du passé. Génial, non ? Ben non, ça n’arrivera pas. Et ça, ça use. Ça fatigue être la féministe de service. Ce l’est encore plus de

À quel moment la réponse collective à une vague sans précédent de féminicides au Québec a été l’indifférence ? Ah oui : maintenant !

  • Josianne Faucher, 27 ans, Candiac, 9 Avril 2024.
  • Suzanne Fortin, 78 ans, Montmagny, 24 Avril 2024.
  • Jo-Anne Patry, 42 ans, Pointe-Aux-Trembles, 30 Avril 2024.

Selon Ahmed, « L’impatience peut être une vertu féministe. Nous ne voulons pas attendre. Ne pas vouloir attendre, c’est ne pas vouloir supporter ce qui, nous dit-on, diminuera avec le temps. […] Nous ne devons pas attendre. Nous devons exiger la justice et l’égalité maintenant.»

J’en ai marre d’attendre. À force de nous traiter comme des faits divers, on nous oublie complètement. Il en est de même pour toutes les personnes racisées, autochtones, trans, en situation de handicap ou qui vivent de multiples oppressions en même temps et qui disparaissent ou sont assassinées sans que ça change quoi que ce soit dans nos vies. Un fait divers. Ou rien pantoute. Et notre impuissance, notre colère, notre indignation ? Ces émotions sont le vent dans la forêt de nos rencontres, l’eau qui se déchaîne dans nos rivières créatives, la terre qui gronde sous nos marches déterminées et le feu qui jaillit de nos cris, nos pleurs, notre parole, notre détermination, notre force.

  • Marie-Claude Raymond, 51 ans, Terrebonne, 3 Mai 2024.
  • Amanda Caza, 34 ans, Ormstown, 15 Mai 2024.
  • Naima Rezzek, 55 ans, Montréal, 18 Mai 2024.
  • Irina Draghicescu, 46 ans, Laval, 29 Mai 2024.

Alors agissons; malgré la fatigue. Dans les 24h-48h suivant l’annonce d’un féminicide, des personnes engagées se rassemblent au coin des rues King Ouest et Belvédère, du côté de l’Hôtel Times à Sherbrooke, pour sensibiliser la population. Une page Facebook Pas Une de Plus – Sherbrooke a été créée, de même qu’une liste de diffusion à laquelle il est possible d’ajouter son courriel.

  • Linda Salagan, 64 ans, Lachine, retrouvée le 26 Juillet 2024.
  • Eve Chachai, 54 ans, Opitciwan (assassinée à Chicoutimi), 13 Août 2024.

Je nous souhaite qu’à la fin de l’année nous pourrons regarder derrière, honorer les 21 femmes assassinées nommées à travers ce texte, la plupart dans un contexte de violence conjugale, et sentir que le chemin parcouru n’est pas en vain.

  • Femme Anonyme, 71 ans, Montréal, 11 Septembre 2024.
  • Kelsey Watt, 29 Ans, Hemmingford, retrouvée le 26 Septembre 2024.

Malheureusement, au moment d’écrire ces lignes, je suis pratiquement certaine qu’un autre ou même que d’autres féminicides auront lieu d’ici la fin de l’année.

  • Linda Benoit, X ans, Sainte-Catherine, 6 Octobre 2024.
  • Alianka Royer, 26 ans, Trois-Rivières, 10 Octobre 20241.

21 féminicides. Peut-être plus.

Nous avons tous•tes le pouvoir de transformer le monde.

Parce que les violences existent 24/7, les ressources le sont aussi ! Contacte SOS VIOLENCE CONJUGALE au 1-800-363-9010 (gratuit 24/7).

Le Centre de femmes le plus près de chez toi ou dans lequel tu te sens en sécurité est aussi une référence importante qui peut te soutenir et te diriger vers les ressources appropriées à ta situation. 


1 Texte rédigé le 14 octobre 2024

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