Il fut un temps où l’on construisait des granges en rond, savez-vous pourquoi ? Pour empêcher le diable de se cacher dans les coins ! André Sauvé, lui, a dû en visiter des racoins pour posséder un sens de la réflexion aussi grand. En décembre dernier, de passage au Centre culturel, il nous parle de lui… derrière ses tourments. Son spectacle Être, présentement en tournée et disponible en DVD, explore les questionnements qui nous habitent tous. Si vous avez des démons à vos trousses, lisez ceci.
Définissez les mots suivants, dans vos propres mots :
Anxiété : Ce qui me vient tout de suite, c’est l’image d’un cheval au galop ! L’anxiété, c’est quelque chose de fougueux comme un cheval fou courant partout, mais si on l’apprivoise cela peut être notre fidèle ami parce qu’il a beaucoup d’énergie ! Autant dans l’anxiété, c’est de la peur qui au début est paralysante, mais cela devient aussi générateur. Pour moi, toutes ces affaires-là c’est de l’énergie avec un côté positif ou négatif qu’il faut dompter !
Émerveillement : C’est un état d’ouverture parce qu’en état d’émerveillement, tout est ouvert. Ce sont les Japonais qui appellent cela un Satori et que l’on devrait en avoir un par jour : un état d’émerveillement par jour où on est juste béat devant peu importe ce que c’est. Il y a quelque chose d’ouvert dans cela, on n’est pas fermé et cela est très sain.
Questionnement : Le questionnement ou le requestionnement : deux tangentes différentes, mais en fait requestionner les choses, c’est de ne pas les prendre pour acquis et on reste encore dans un état d’ouverture. Se requestionner soi-même, se remettre en question, c’est sain. Si c’est trop, cela peut verser dans la paranoïa ou la psychose. Cela dit, je pense que la question ouvre et la réponse va souvent fermer. Krishnamurti disait que le jour où l’on montre à un enfant ce qu’est un oiseau, à partir de ce moment-là, il ne verrait plus jamais ce qu’est un oiseau. Parce que l’on vient de lui encapsuler la définition de quelque chose dans une chose définie. Tandis que si l’on regarde les choses simplement pour ce qu’elles sont, eh bien, on est plus ouvert.
Qu’est-ce que vous diriez à quelqu’un qui tente de se positionner dans l’espace et le temps ?
Eh boy ! Il y a toujours l’un des deux qui prédomine ! Soit dans le temps ou l’espace. Je me retrouve plus dans le temps. Plus je sens le temps qui passe, plus j’ai une conscience du temps. Pas tant le temps avec la peur de vieillir, mais je sens le temps qui passe… Comment vivre ce moment présent fait partie de mes questions. Mais, quelqu’un qui tente de se positionner dans cela, bonne chance ! Aussi, je pense que c’est une invention. J’avais déjà lu que ce qu’on appelle « le temps », c’est l’espace entre l’idée et l’action, celui qui s’écoule entre l’idée de faire quelque chose et le moment où elle se produit.
Si l’on disait qu’il faut se situer dans l’espace, vous feriez quoi ?
J’ai plus de difficulté. Dès que je suis avec quelqu’un, je ne regarde plus le chemin et c’est sûr que je me fie sur l’autre automatiquement. Quand je suis dans une ville étrangère puis je marche tout seul, cela me demande beaucoup d’efforts à retenir par où je passe, je n’ai pas cela spontanément.
Même en Inde ?
Étonnamment, je ne sais pas pourquoi, je me retrouve un peu plus dans les rues peut-être parce qu’elles sont faites de manière organique.
Vous avez fait, plus tôt, un lien avec les chevaux. Qu’est-ce qu’apporte un humour imagé, selon vous ?
L’image tout court, cela vaut plusieurs explications. Il y a quelque chose qui se comprend beaucoup plus facilement, on comprend par image plus que par une explication. Les grands philosophes ont tout le temps utilisé des images. J’ai été proche de la philosophie indienne qui ne parle que par image. C’est connu, une image vaut mille mots, donc c’est quelque chose qui est beaucoup plus transmissible.
Le fait d’utiliser l’humour mixé avec l’image, c’est un outil pour faire passer des choses. Je passe mes réflexions, mes questionnements par l’humour. Parce que l’humour amène encore dans un état d’ouverture. Il y a quelque chose d’ouvert quand on rit et dans cet état d’ouverture, on peut venir lancer des petites images qui font du chemin dans la tête des gens. On peut venir semer des images fortes. L’humour est un véhicule qui, s’il est bien utilisé, peut être très fertile.
Que répondez-vous aux gens qui disent que c’est trop songé et qu’ils ne comprennent pas ?
Le travail que je fais, j’y réfléchis beaucoup. Quand j’écris, j’essaie de faire un mix quand cela devient trop songé. J’essaie de mettre du burlesque là-dedans. Des fois, il y a des numéros où il y a juste de la folie pure juste parce que l’on n’est pas obligé de « songer » constamment. Je m’impose d’avoir un bon dosage des deux. Ceux qui ne comprennent pas le sous-texte, eux voient juste le clown et il y en d’autres qui pognent la petite ligne en dessous. Chacun y trouve son compte et je travaille beaucoup à doser les niveaux.
Est-ce qu’on peut dire qu’André Sauvé est un philosophe humoriste ?
Ahhh, sacre, je ne m’affublerais pas de cela ! J’ai beaucoup de mal avec les étiquettes parce que je ne me retrouve pas là-dedans. Je ne pense jamais à passer des messages. Quand j’écris, je pense à moi, qu’est-ce ce qui m’intéresse, qu’est-ce qui me préoccupe. Étonnamment, on me dit beaucoup : « Je me pose beaucoup ces questions-là, je réfléchis à ça moi aussi ! » En fait, je me les pose en premier et c’est moi qui veux savoir la réponse ! Je ne veux pas être moralisateur. Non, je ne me retrouve pas dans cela. En fait, je me pose ces questions-là et cela trouve écho chez les gens.
En terminant, votre coup d’extase existentielle ?
Il y a deux choses, de réaliser que tout est vain, tout est vide, tout va périr tôt ou tard. Et, le coup d’extase, c’est de s’inscrire pareil dans la vie sachant que c’est vain. Que la vie est un gros bateau, on est tous dedans, on sait tous qu’il va couler, mais c’est de profiter de la ride au maximum ! L’extase vient du fait qu’on l’accepte profondément…. Chose que je n’ai pas faite jusqu’à ce jour. Je ne me donnerai pas cela comme défi parce que je n’y arriverai pas pour 2014.
Aussi, je suis plus proche de la philosophie bouddhiste. J’ai fait de la méditation et c’est des choses qui m’interpellent beaucoup où souvent je pense à faire les choses de façon détachée. Je fais du mieux que je peux, mais je n’y arrive pas souvent, mais du moins d’y aspirer, c’est déjà un petit pas.
André Sauvé présentera son spectacle Être à la Salle Maurice-O’Bready le samedi 12 avril 2014 à 20 h. Les billets sont au coût de 48,50 $, prix étudiant 38,50 $.