La paix a besoin de vérité

Date : 19 octobre 2023
| Chroniqueur.es : Sylvain Vigier
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Le 7 octobre 2023 deviendra très certainement une date clef dans la trop longue histoire du conflit qui oppose le peuple juif et le peuple palestinien dans leur droit à l’autodétermination. Cette attaque surprise et brutale, visiblement minutieusement préparée, par le mouvement de résistance islamique Hamas a fait plus de 1400 morts en Israël, qui n’avait pas connu une attaque aussi meurtrière depuis la guerre de 1973 (dite guerre du Kippour) avec les états arabes voisins (Égypte et Syrie). Du fait de la violence, de l’ampleur et de la cruauté (cibles quasi exclusivement civiles) de l’attaque du Hamas, la tentation est grande de justifier les représailles d’Israël. Au moment d’écrire ces lignes, celles-ci ont déjà fait plus de morts (une nouvelle fois majoritairement civiles) à Gaza que l’attaque du Hamas. Les déclarations revanchardes et belliqueuses du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, et celles outrancières voire racistes du ministre israélien de la Défense Yoav Galant (les Palestiniens sont « des animaux humains »), laissent imaginer une riposte d’Israël d’une envergure encore jamais égalée face au peuple palestinien. C’est donc très certainement une nouvelle fois une mobilisation militaire disproportionnée qui va s’abattre sur Gaza où vivent plus de deux millions de personnes dont la moitié a moins de 18 ans. L’appel fait par Israël à la population de Gaza de quitter la partie nord du territoire indique une probable invasion de Tsahal. Mais où aller lorsque l’on est coincé entre la mer et les barbelés et checkpoints d’Israël, la minuscule frontière avec l’Égypte étant elle aussi fermée? 

Car l’horreur et la cruauté de l’attaque du Hamas, et la nécessité pour Israël de vivre en paix et en sécurité, ne doivent pas faire oublier l’état de fait de la situation du peuple palestinien face à la politique d’Israël. Le Hamas agit en terroriste en visant des cibles civiles. Sa guerre d’indépendance est dictée avant tout par un motif religieux : pas de juifs en terre d’islam, plutôt que dans un esprit de libre détermination des peuples comme le revendiquait à l’époque l’organisation de Libération de la Palestine de Yasser Arafat (elle aussi accusée d’actes terroristes). Mais le Hamas est aussi un parti démocratiquement élu à Gaza et en Cisjordanie dans le cadre des accords d’Oslo qui donnait une certaine autonomie politique sur les territoires occupés du peuple palestinien. En réponse à cette élection qui ne faisait pas leur affaire, Israël a décrété le blocus de Gaza et la réponse de la communauté internationale a été de reconnaitre de fait ce blocus, puisqu’aucune sanction n’a jamais été appliquée contre Israël. Aujourd’hui, être un Palestinien à Gaza ou en Cisjordanie, c’est vivre avec la seule perspective du bon vouloir d’une entité d’occupation. La vie à Gaza dépend exclusivement de ce que Israël accepte de laisser entrer ou sortir de l’enclave, et de la contrebande par des souterrains qui relie Gaza à l’Égypte. En Cisjordanie, le territoire est confiné sur 700 km par un mur d’enceinte de béton (la barrière de séparation israélienne) de plus de 7 m de hauteur, doublé d’une barrière électrifiée. La libre circulation de la population est inexistante, et Israël administre de fait ce territoire et grignote toujours un peu plus l’espace historiquement accordé au peuple palestinien par le plan de partage de 1947 de l’ONU en autorisant l’installation de colons juifs, majoritairement religieux et estimant cette terre comme ontologiquement la leur. 

Ainsi dans ce contexte, quelle est la perspective pour une vie décente et digne pour tout Palestinien? La guerre est toujours dégueulasse, et il est évident aujourd’hui que le désespoir palestinien et le besoin de sécurité israélien alimentent ce conflit sans fin, instrumentalisé par les extrémistes des deux camps qui se haïront pour l’éternité. Pour que la violence actuelle puisse relancer le processus de paix enterré après l’assassinat de Yitzhak Rabin par un fanatique religieux juif en 1997, la communauté internationale et l’espace médiaticopolitique doivent avant tout exercer un discours de vérité sur la situation en Palestine et en Israël. Il s’agit avant tout d’éviter de choisir un camp, sauf celui de la paix, et de délibérément tordre ou exagérer les faits pour exacerber la légitimité d’un peuple à diriger ou asservir un autre. Malheureusement, les déclarations de J. Biden, J. Trudeau ou E. Macron de soutien sans failles à Israël ne permettent pas à ce stade de construire un chemin vers la paix. Combien de morts seront nécessaires pour qu’ils y parviennent? 

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