Les élections municipales approchent et notre maire Bernard Sévigny va se représenter vraisemblablement sans opposition, si l’on fait abstraction de l’habituelle candidature du parti Comme une eau Terre. Même si Hubert Richard et son parti méritent toute l’attention des électeurs, il y a fort à parier que Sévigny se dirige allègrement vers une victoire.
Et que propose Sévigny pour vous convaincre de le réélire? On attend toujours la plate-forme 2013 de son parti, le Renouveau sherbrookois, mais la rumeur court qu’il souhaite faire de la réduction du nombre d’élus The enjeu de la prochaine campagne électorale. Rappelons que le Maire s’est fait refuser de justesse par le conseil au printemps 2012 son fameux projet de réduction du nombre d’élus, notamment à cause du refus de la conseillère Nathalie Goguen de l’appuyer parce que, écrivait-elle sur son blogue, «tant qu’à faire un changement, aussi bien en faire un VRAI. Pas un facelift juste pour bien paraître.» Sévigny souhaite donc, semble-t-il, revenir à la charge s’il obtient un nombre suffisant de conseillers.
Est-ce à dire que conseil municipal est devenu si insipide et sans imagination qu’il en est venu à demander à ses membres de se consulter pour proposer son amputation ? Or, même si l’on pourrait croire qu’avec cette démonstration par l’absurde de sa futilité, le conseil prouve qu’il mérite cette réforme, rien n’est moins clair. En coupant dans le nombre d’élus, sous le prétexte vaseux que d’autres le font, ce sont les services directs aux citoyens que l’on coupe. De plus, le nombre actuel de citoyens par candidat (8276) est tout à fait en phase avec celui de villes similaires comme Saguenay (7591), Lévis (8181) ou Trois-Rivières (9214). À entendre Bernard Sévigny, il faudrait ressembler à Québec avec son conseiller par quelque 25 000 habitants. Régis, sors de ce corps !
Oh mais attendez, allez-vous me dire, la Ville a sondé les citoyen et – surprise ! – une bonne majorité (72%) des Sherbrookois étaient très ou assez favorables à une réduction du nombre d’élus. C’est ce que nous dit le document publié par Extract Marketing qui a effectué le sondage en mars 2012. Ce n’est évidemment pas surprenant, compte tenu du fait que les politiciens municipaux ont très mauvaise presse ces temps-ci. Cela dit, même en temps normal, demander aux citoyens s’ils souhaitent la réduction du nombre de leurs élus, c’est un peu comme leur demander s’ils accepteraient une réduction de taxes ou s’ils acquiesceraient à une extermination totale des maringouins.
Mentionnons aussi que la question posée par Extract était légèrement tendancieuse. On demandait aux sondés de répondre à la question : « Le conseil municipal de la Ville de Sherbrooke compte actuellement 19 conseillers. Tout en conservant les arrondissements, seriez-vous très favorable, assez favorable, peu favorable ou pas du tout favorable à une réduction de leur nombre ? »
Tout en conservant les arrondissements ? Est-ce qu’on n’est pas en train de faire croire aux répondants qu’il s’agit d’une mesure compensatoire ? Un coup parti, pourquoi ne pas les rassurer en leur disant qu’ils vont aussi garder le même code postal ?
En fait, pour vraiment se faire une idée, il aurait fallu carrément demander aux citoyens combien de conseillers ils veulent conserver parce qu’au fond, quinze conseillers, c’est peut-être beaucoup trop pour nos concitoyens! En effet, tant qu’à se servir d’un sondage pour défendre des politiques cyniques et antidémocratiques, Sévigny et les autres auraient pu pousser l’exercice jusqu’à demander si les gens tenaient vraiment à un organe représentatif. Ou mieux, pourquoi ne pas faire un sondage pour demander à 1810 personnes ce qu’ils penseraient de l’abolition du poste de maire. Après tout – et puisqu’un sondage en vaut bien un autre -, une enquête d’opinion d’octobre 2012 révélait que, trois ans après son arrivée à la mairie, presque 4 Sherbrookois sur dix (38,6%) sont encore incapables de dire le nom du maire. C’est même plus que l’année précédente (33%) ! Comme si le Maire s’évaporait tranquillement de la conscience collective. Serait-ce une bonne raison de s’en débarrasser ?
Money, money, money !
Vous ne serez pas surpris d’apprendre que le principal argument pour la réduction du nombre d’élus est évidemment l’argent, celui qui sera économisé. « On demande des efforts à l’administration. On compresse dans l’administration municipale. On veut s’administrer à nous, la même médecine qu’on administre à l’administration. Il faut être cohérent et dans un souci de cohérence, on veut diminuer le nombre d’élus », expliquait Sévigny à Radio Canada en mars 2012. À la fin 2012, Sévigny voyait le projet de réforme comme encore plus « pertinent car les pressions des déficits des fonds de retraite sur le budget sont de plus en plus fortes. »
Or, l’« économie potentielle » créée par la réduction de quatre d’élus est, selon le comité sur la gouvernance de la Ville, de seulement 250 000$, des peanuts qui ne permettront pas à la Ville de régler un quelconque problème de finance publique ? La caisse de retraite de la Ville coûte 9 millions par année à renflouer. Pendant qu’on cherche à faire des économies de bouts de chandelle, on envisage, à la Ville, de dépenser quelque 736 000$ pour un sentier réfrigéré au Marché de la Gare. Le million économisé sur un mandat de quatre ans équivaut au montant déboursé pour illuminer le barrage de la centrale Frontenac et les installations de la gorge de la rivière. Peut-être suffisant pour faire penser à M. Sévigny que c’est là une idée lumineuse…
Il y a un autre problème avec le projet du maire et des ses acolytes, c’est que l’élimination de 4 conseillers ne touche que certains arrondissements et laisse Bromptonville et Lennoxville intacts si bien que le Comité de gouvernance de la Ville se dit conscient que « cela aura comme conséquence d’accentuer le déficit démocratique entre les districts électoraux. » Aussi, un élu à Lennoxville représentera 5349 citoyens tandis qu’un élu de l’arrondissement de Fleurimont en représentera 10 400.
Quoi qu’il en soit, si le prochain programme du Renouveau est de la même eau que cette réforme bancale, Entrée Libre est d’avis que les Sherbrookois devraient le faire bouillir avant consommation.