J’me suis disputée avec ma propriétaire concernant l’augmentation du loyer.
Puis, comme beaucoup de locataires, je me suis retrouvée prise entre l’arbre et l’écorce : faire valoir mes droits ou préserver une relation cordiale avec ma propriétaire?
C’est que c’est tout de même stressant, l’idée de côtoyer toutes les semaines une personne avec qui nous sommes en conflit. Puis, c’est aussi stressant de voir son revenu stagner, alors que tous les postes de dépenses augmentent drastiquement. C’est toujours à se demander dans quoi il faudra bien couper, puis jusqu’à quel point il sera possible de couper?
Cette suite d’idées m’amène dans un marasme profond, tandis que j’arpente les rues de mon quartier. La torpeur me quitte momentanément quand j’aperçois quelque chose au loin, en contrebas de la rue Conseil : c’est une silhouette que je reconnais immédiatement!
Même que je me souviens encore de son numéro de téléphone, comme pour celui de chez mes parents ou de ma meilleure amie d’enfance ! C’est que quand on s’est connus, je n’avais pas encore été corrompue par un téléphone cellulaire qui les retient pour moi et j’ai mis du temps à l’apprendre !
J’observe au loin la silhouette, qui semble avoir élu domicile dans mon quartier. J’identifie rapidement l’immeuble derrière elle.
Je me demande à quand remonte la dernière fois qu’on s’est parlés.
Quand on s’est connus, j’étais au cégep et effectuais mon premier placement en stage. Peu de personnes ont été témoins de cette année qui a été transformatrice pour moi, tant sur le plan humain que professionnel. Aussi, peu de personnes se sont autant réjouis pour moi, lorsque j’ai décidé d’explorer en dehors de sentiers battus, puis de commencer à poser des questions et à développer un esprit critique.
On a entretenu une relation de quelques mois, puis on s’est quittés en bons termes. On a maintenu des liens pendant un certain temps, parce qu’on s’affectionnait beaucoup. Puis, on a momentanément perdu contacts; la vie nous a emmenés dans des villes différentes et le temps a fait son œuvre.
C’est donc un grand choc que j’éprouve de découvrir que l’un de mes premiers amours s’est établi quelque part sur Conseil, sans même que j’en ai eu conscience ! Quand est-ce que ça s’est passé? Est-ce que ça fait longtemps qu’il n’est plus sur la Wellington? Est-ce que ça ferait bizarre de passer dire salut, après tout ce temps?
C’est une amie qui m’accompagne marcher qui me sort de mes pensées; elle vient me rejoindre d’un pas rapide, me disant qu’elle doit ventiler :
Elle aussi a reçu un avis d’augmentation. Le sien est astronomique.
Pire que moi, parce qu’elle a changé de propriétaire et que le nouveau entend bien rentabiliser rapidement son « investissement ». Elle a peur pour ses animaux, d’être obligée de quitter ou de ne rien trouver d’autre à un prix raisonnable. Et encore, elle a la chance d’être éduquée et d’avoir un emploi bien rémunéré.
Ma mémoire au sujet du droit du logement commence à me faire défaut. Heureusement, je connais quelqu’un et ça me donnera l’occasion de rétablir le contact…
Je lui pointe la silhouette, un peu plus bas : c’est un logo avec quelques petites maisons sur un fond vert. Dessus, il est inscrit : « Association des locataires ».
Et ça m’a pris tellement de temps à l’apprendre, du temps où j’y étais stagiaire que je connais encore le numéro par cœur : (819) 791-1541.
Elle va les voir demain. Et vous?
