Elles ne sont pas nombreuses les victoires dans les milieux de gauche, alors soulignons au moins celle-ci: depuis une ou deux années la question de l’environnement et des changements climatiques a gagné la bataille de l’opinion. Cela reste une petite victoire, parce qu’une fois que l’on a dit ça on n’est toujours pas sorti du sable, mais pour les ancien.nes militant.es de la cause environnementale, celles et ceux qui ont fondé le Club de Rome (1968) ou ont permis le 1er sommet de la Terre de de Rio (1992), cela doit paraitre comme inespéré après tant d’années à prêcher dans le désert.
Cependant, la victoire est de courte durée car le temps que nous avons devant nous pour changer de trajectoire ne nous permet même pas de le perdre à fêter cette avancée décisive. L’ampleur des changements et des transformations que nous devons faire dans notre organisation sociale, nos modes de production et nos modes de vie est d’une ampleur inouïe (voir article de Guillaume Manningham p.5 «enjeux environnement») et apparait insurmontable lorsque l’on regarde cela de face. Mais pour celles et ceux qui croient en l’adage «vivre libre ou mourir», il n’y a pas de combats perdus d’avance qui ne méritent d’être menés. Alors montons au front!
Un appel mondial à la grève générale a été lancé pour le 27 septembre pour forcer nos gouvernements à prendre les décisions concrètes pour respecter les Accords de Paris de limitation du réchauffement à 1,5°C. Au Québec, cet appel est soutenu et relayé par le mouvement «La planète s’invite» (laplanetesinvite.org) qui a déjà organisé la forte mobilisation du 15 mars.
En proposant un appel à la grève le mouvement passe à une autre étape et vise maintenant les forces de production après avoir misé sur l’engagement individuel. Parce que même si nous pouvons tous faire un changement par une modification de nos habitudes quotidiennes, les changements d’ampleurs ne peuvent se faire que par les changements des moyens de production. La crise climatique et environnementale est avant tout la crise de la surproduction et de l’exploitation des ressources. Ça n’est pas parce que je mange un steak que j’ai acheté à l’épicerie en prenant mon char que la planète brule. C’est parce qu’il n’existe pas d’alternative au char, à l’épicerie située à l’autre bout de la ville, à la promotion du bœuf venant d’Argentine à tous les repas qu’en bout de ligne chaque boulette de viande entraine toute l’humanité vers le gouffre. C’est plus de cinquante années d’une société de consommation et de dérégulation commerciale qui ont patiemment construite le modèle économique et social dans lequel nous évoluons chaque jour. Et c’est ce modèle que les scientifiques du GIEC pointent du doigt comme responsable de nos émissions de GES. La grève générale et mondiale est donc un bon moyen pour désigner à nos gouvernements ce que nous voulons changer.
Dans le film «L’An 01» de Jacques Doillon adapté de la bande dessinée de Gébé, une grève générale arrête toute la vie productive du pays. Et les gens profitent de ce moment pour redéfinir leurs aspirations. Sur quelles bases veulent-ils construire leurs rapports humains? Quels types de produits veulent-ils voir sortir de leurs usines? Quelle autre définition pouvons-nous collective-ment et individuellement donner à la richesse autre que le cash et la taille de leur maison ou de leur char? «L’An 01», c’est le pas de côté que l’on prend pour se regarder aller tous les jours et réaliser combien cette course quotidienne est aussi productive que les kilomètres parcourus par un hamster dans sa roue. Ce film reprend le contexte des grèves générales du mois de mai 1968 en France. À cette période la jeunesse bouillonnait pour proposer un modèle alternatif à la société de consommation qui émergeait tout juste. On sait quel chemin a pris l’histoire.
Cinquante ans plus tard, ce sont les lois de la physique qui nous contraignent à nous arrêter à nouveau et à faire les bons choix, sous peine d’un désastre collectif glaçant.